Petit titre à chantonner sur l’air de cet ancien groupe de rock français (qui a cédé aux sirènes du Revival Tour alors même qu’ils n’étaient pas au complet, ah le pouvoir de l’argent).
Comme je vous le promettais dans un des premiers articles je reviens faire un point sur mes connaissances (et donc les vôtres) concernant cette belle institution qu’est la distribution électrique dans notre pays d’accueil.
Pour ceux qui nous connaissent, c’est à dire la quasi-totalité de vous chères amies lectrices et non moins chers amis lecteurs (puisque nous ne sommes pas encore un blog élevé au rang de service d’utilité publique) vous avez pu suivre une partie de nos péripéties sur les dernières semaines.
Pour les deux autres et pour les amnésiques pré-Alzheimer, un résumé rapide.
Nous vivons au huitième étage d’un immeuble connecté au réseau électrique public (EdL, le logo en tête d’article) et disposant d’un générateur dans la cours (pour alimenter notre immeuble et l’immeuble voisin de taille identique mais avec un peu plus d’appartements me semble-t-il). Jusqu’à il y a peu (c’est léger comme expression, tiens et encore plus à l’écrit) EdL fournissait un service plutôt correct, enfin pour Beyrouth pas forcément pour chaque petit village de montagne, c’est à dire environ 20 à 22 heures par jour et le générateur se mettait en route pour les 2 à 4 heures restantes. Le tarif était encore inconnu puisque les factures arrivent avec un décalage qui ferait passer les services de la poste pour des acharnés de la vitesse et que nos consommation sur le générateur (ou même sur EdL) sont inconnues (jusqu’à la semaine dernière je ne savais même pas où se trouvait le compteur).
Et puis les choses changent, évoluent, mais pas comme les Pokemons pour gagner en puissance, plutôt pour s’effondrer. Nous avons en ce moment quelque chose comme deux heures d’électricité par jour. C’est à dire concrètement que sauf à disposer d’un générateur les gens sont dans le noir 22 heures par jour. Et puis pour ceux qui me rétorqueront que c’est la période de l’année avec les jours les plus longs je répondrai rapidement :
1 – Je vous remercie de ne pas intervenir dans mon article pour raconter n’importe quoi.
2 – L’électricité ce n’est pas que la lumière. Si ce sont les jours les plus longs c’est dû à la position relative Terre-Soleil (je vous laisse chercher sur Wikipedia si vous n’êtes pas convaincus et je vous affirme que « Non, le Soleil n’est pas une grosse lampe à UV qui se déplace sous le dôme qui enferme notre Terre plate ») et cette position, bien que relative, implique également de la chaleur. Dans un pays humide (proximité de la mer, toussa) cela signifie qu’il fait chaud et moite. La climatisation devient un confort dont il est difficile (mais j’admets, pas impossible) de se passer. Et puis l’électricité c’est également le frigo et le congélateur (Arghhh, je sacrifie les glaçons pour le Gin ou bien la plaque de beurre du petit déj’ ?), la recharge des téléphones et des ordinateurs (oui, il est possible de vivre sans, cela devient vite pénible avec des cours à distance pour Petite Demoiselle), la connexion Internet (qui n’utilise pas l’électricité directement soit, il en faut quand même pour le routeur (« La box ») et in-fine pour le fournisseur d’accès). Et puis l’électricité c’est aussi l’ascenseur. Ce dernier point nous apparait comme un détail. Nous sommes jeunes (toi qui vient de ricaner, tu dégages !), en forme (je rappelle que le patatoïde est une forme, n’en déplaise à mes anciens prof de géométrie) et cela complétera le sport quotidien (piscine, plage, surf, promenade sur la jeté, retour de soirée après le couvre-feu et donc sans taxi, ce genre de petites péripéties quotidiennes de la vie de l’expatrié-vacancier permanent que je suis). Ça c’est le premier jour et un peu le deuxième. Ensuite les huit étages à pieds avec les courses, la chaleur, les fins de soirées justement, cela devient juste pénible (pour rester poli et détendu).
« T’as pas dit que vous aviez un générateur dans l’immeuble ? ». Si je l’ai dit, merci de ton intervention, au moins un qui suit le fond de l’article. Premier détail, les générateurs sont des héritages d’une période (pas si lointaine) où ils devaient pallier des coupures exceptionnelles. Ils ne sont donc pas fait pour tourner 24h/24. Il faut qu’ils se reposent pour refroidir. Ah, et puis les générateurs tournent au fioul. Si EdL ne fournit pas plus d’électricité c’est parce que les finances de l’état ne permettent plus un fonctionnement optimal (jolie formule pour simplement dire : du jus tout le temps et partout). Et donc les finances ne permettent pas de rentrer du fioul avec les subventions qui compensent la dévaluation de la Livre Libanaise (environs 17.000 LL pour un dollar au moment de cet article, avec un taux officiel à 1507 LL pour un dollar). Entre fioul de contrebande et achat en fresh-dollars (je ne vous refait pas le topo, voir tous les articles sur le sujet) les prix grimpent. Enfin à ce niveau là nous sommes plus proches de Spiderman que de Patrick Edlinger (Tu ne connais pas ? Tu vas chercher sur Wikipedia et tu te flagelles pendant 10 minutes avec des orties fraîches). Cela n’encourage pas les propriétaires à faire tourner les générateurs en permanence.
Nous sommes passés par différentes étapes, tout le principe est de faire comme avec la grenouille, chauffer l’eau lentement (Si tu n’as pas la référence une petite recherche sur Internet avec les mots « grenouille », « casserole » et « eau chaude »). Au début c’était ville 2 heures par jour, générateur 20 heures. Puis ville 2 heures, générateurs 14 heures avec coupure la nuit. Et puis de panne en montée de température, de surchauffe en manque de pièces de rechange nous sommes arrivés à 2 heures d’EdL et 2 heures de générateur.
A ce stade la situation n’est plus gérable. Toute plaisanterie mise à part sur l’escalier et la clim’, il devenait impossible de tenir les produits au frigo. Je me fous de faire les courses tous les jours, surtout que tout est à côté, mais certaines choses ne se consomment pas en une fois (beurre ou jus de fruit par exemple). Et puis il fait noir tôt, même en juin.
Décision est prise par les propriétaires (presque tous les autres occupants des deux immeubles) et nous est soumis par le notre (de proprio) : connecter l’immeuble (enfin les deux immeubles) à un générateur de quartier, censé fonctionner 24h/24. Il faudra payer la connexion (un fil sur lequel j’hésiterais à faire passer du 220v et qui sert à relier les deux immeubles et tous les appartement au générateur) pour la modique somme de 43 usd (donc en fresh cash) puis ensuite 60 usd pour modifier l’installation électrique de l’immeuble et gérer la bascule entre EdL, générateur local et générateur de quartier. Cette seconde somme sera à la charge de notre proprio (normal, c’est son immeuble) qui essaie quand même pendant 2 jours de nous la facturer…
Je vous passe les soucis de mise en place, la panne du générateur de quartier pourtant garanti 100% fiable et le manque d’ampérage sur notre nouvel abonnement (j’explique ci-dessous). Nous avons aujourd’hui de l’électricité 24/365 !
Pourquoi tout ce blabla pour un article qui devrait faire 3 lignes sur les tarifs du courant au Liban ? Parce que ce sont ces dernières mésaventures qui m’ont permis de comprendre les méandres des coûts (et bien sûr de soulever une nouvelle question).
Alors en résumé :
EdL facture à un tarif inférieur aux coûts de production et comme en plus l’argent manque, les factures arrivent vite, pas plus de 12 à 18 mois de décalage (les gens autour de nous reçoivent les factures pour la consommation de 2019) et ici pas de paiement partiel ou mensuel. C’est à dire que lorsque nous partirons nous laisserons derrière nous une année (ou deux suivant la date exacte d’arrivée de la facture) d’impayés.
Le générateur d’immeuble est pris en charge (tout compris) par le propriétaire, nous ne paierons donc rien de ce côté là. Bon point pour notre trésorerie, mauvais point pour ma curiosité votre information puisqu’impossible d’estimer les coûts annuels.
Le générateur de quartier facture un forfait mensuel en fonction de l’ampérage : 250.000 LL par mois (pour l’instant, cela varie avec la durée des coupures EdL et le prix du fioul) par tranche de 5 ampères. Nous avons choisi de prendre 10 ampères, ce qui est insuffisant pour fonctionner correctement mais permet de terminer l’année scolaire tranquillement sans gros frais. A la rentrée nous sommes censés passer à 20 ampères et comme le choix des propriétaires a été de favoriser le générateur de quartier et de ne conserver le local qu’en cas de grosse panne, la différence de tarif (10->20 ampères) sera à la charge de notre propriétaire. (Ce qui sera sujet à discussion bien sûr, la mémoire est parfois défaillante pour les dépenses).
Ce sont les réponses au fonctionnement et tarifs. La question que cela soulève (et dont je n’ai pas la réponse pour l’instant) est la suivante : les tarifs des générateurs de quartier sont fixés par décret officiel (je rappelle que les générateurs de quartier n’ont pas de droit de production officiel, c’est beau les paradoxes non ?) pour un prix au Kilowatt. Et les abonnements sont des forfaits mensuels. Donc comment on passe de l’un à l’autre ?
Et comme c’est très bon pour la nature et l’économie, un forfait signifie que laisser sa clim’ à fond avec les portes ouvertes ne dérange pas tellement… De même que les factures avec plus d’un an de retard pour EdL (quand elles sont réglées, ce qui est très loin d’être le cas tout le temps).
Et dernier point, pour éclairer (ah ah ah ) un peu sur la situation du pays. Pour quelqu’un qui rentre de l’argent en euros (ou en dollars ou en yen ou ce que vous voulez comme monnaie stable) un abonnement forfaitaire de 20 ampères (de quoi faire tourner en même temps les clim de chaque pièce, le frigo, le congélateur, la télé, les lumières, le lave-linge et le chauffe-eau) représente 50 euros par mois (comparez avec votre facture EdF). Pour une personne vivant d’un salaire local (c’est à dire la majorité de la population Libanaise) cela représente 1.000.000 de LL par mois, avec un salaire minimum de 750.000 LL pour les rares qui ont encore la chance d’avoir un travail et de recevoir leur salaire (ah oui, parce que parfois les gens ont un travail, mais l’entreprise ne peut plus payer, les gens restent pour ne pas perdre l’emploi).