Très rapidement, disons dans la première heure après être sortis de l’aéroport, vous vous retrouvez confronté aux difficultés liées à l’approvisionnement d’eau au Liban. La qualité de l’eau est souvent bonne, voire excellente, puisqu’il y a des sources un peu partout dans le pays. Seulement voilà il y a aussi des puits, beaucoup de puits, très profonds pour certains d’entre eux et en surexploitation. La proximité de la mer et une pompage excessif entraine une salinisation de l’eau. La conséquence directe c’est que l’eau n’est plus potable, avec un corollaire moins grave mais pénible à la longue : les fringues très blancs deviennent vite gris au lavage.
L’eau
Heureusement les puits ne constituent pas la majorité des sources (sans jeu de mot) d’approvisionnement en eau.
« Ah ben c’est bon alors, vous pouvez boire au robinet ? ».
Merci pour cette intervention qui relève tout de suite le niveau, c’est simple on dirait Cauet sur Arte (dédicace aux Fatals Picards). Sauf que pas de bol, si le principe est effectivement logique, la réalité est tout autre. Les canalisations ne sont pas entretenues, l’eau passent par des cuves sur les toits qui ne sont pas nettoyées et parfois mal fermées. Résultat il est recommandé de limité l’eau du robinet à des usages non alimentaires. Passés quelques temps à se battre avec une bouteille, une carafe ou un verre pour se laver les dents Madame, Petite Demoiselle et Monsieur sont un peu moins regardants et tout semble bien se passer (traduction pour les fans de Bigard : personne ne fait caca mou).
Pour les nettoyer les légumes c’est ok et pour l’instant nous cuisinons à l’eau en bouteille (comme Monsieur avait évoqué dans cet article), avec de plus en plus la tentation d’utiliser celle du robinet quand il faut pousser à ébullition. Nous ne cédons pas encore sur les conseils appuyés de tout notre entourage ici, y compris les habitants de longue date.
Les cuves
« Mais dis-donc tonton Sabin (coucou à toi petit A. qui se reconnaitra) pourquoi y’a des cuves sur les toits ? ».
« Heu comment tu sais cela toi ? Ah oui, la photo en début d’article. »
L’approvisionnement en eau n’est pas continue dans la journée, il y a des coupures plus ou moins longues, et qui devraient aller plutôt vers « plus long » que « plus court » avec le changement climatique. Le Liban est considéré en hyper-stress hydraulique (t’as vu comme Monsieur aime se la péter avec des expressions de pros), c’est à dire qu’il consomme 80% de ses ressources annuellement, ce qui est très (mais alors très très) au-dessus du taux qui permet un renouvellement par Dame Nature. Pour ceux qui veulent des détails je vous recommande la lecture de cet article sur le journal économique Libanais en Français (oui je sais je ne respecte pas les règles d’utilisation des majuscules, je fais ce que je veux). Pour ne pas avoir de coupure au robinet la solution passe par des cuves sur les toits des immeubles (ou proche de l’habitation en campagne). Je n’ai pas encore le détail du fonctionnement, je ferai une mise à jour de l’article.
De ce que j’ai compris elles stockent de l’eau pour une réserve d’avance, et en cas de pénurie longue il est possible de les faire alimenter par un camion citerne. C’est une chose quotidienne d’apercevoir un camion sur un trottoir qui remplit les citernes d’un immeuble.
Le tarif cause de la pénurie ?
Parlons un peu argent (qui a dit « j’en étais sûr » ?). Il n’y a pas d’abonnement, pas de compteur, juste un prix forfaitaire pour l’eau de ville. L’eau des camions citernes est facturée chère. (je vous tiens au courant quand je trouve les tarifs précis). Le problème du forfait (à très bas prix) sur l’eau de ville c’est que cela ne pousse absolument pas à l’économie, en ces temps de questionnements écologiques c’est à contre-courant. Sans compter qu’entre des prix bas, un manque de facturation à la consommation réelle, des impayés réguliers et des fuites importantes sur le réseau, la compagnie (ou les compagnies, c’est assez brouillon comme fonctionnement en fonction des lieux géographiques, à éclaircir sur une mise à jour) perdent de l’argent et donc n’ont pas les moyens d’investir dans un réseau en bon état, des compteurs, un assainissement, ce qui entraine une surconsommation et un gaspillage récurrent.
L’électricité
Qu’est-ce que c’est dans notre cour d’immeuble ?
Un générateur.
« Dis tonton à quoi il sert le machin bruyant et pas beau ? »
Le réseau électrique d’état fonctionne mal à Beyrouth (le premier qui fait une remarque je le vire de la classe). Les coupures d’alimentation sont la solution de délestage qui a été choisie (j’imagine la tête de l’électeur moyen si EdF rencontrait des difficultés et que le ministre de l’énergie annonce que « le délestage est la solution choisie »). Selon les régions (et l’approvisionnement en pétrole pour faire tourner les centrales, ce qui pose problème avec la crise monétaire actuelle) les coupures sont normalisées par l’état, avec en théorie 03:00 max pour Beyrouth et jusqu’à 20 heures pour certains secteurs (plutôt en campagne).
Les générateurs privés
La solution, à part de s’éclairer à la bougie (j’en profite pour une aparté : Non Monsieur Macron, refuser la 5G ce n’est pas vivre comme des amishs. La vie sans électricité cela existe et c’est loin d’être un désagrément comme passer de 4 à 42 secondes pour télécharger un film, connard.) c’est de faire appel à des générateurs installés et gérés par des entreprises privés. Générateur pour l’immeuble, générateur de quartier à la campagne, voire dans certains cas générateur perso sur le balcon (héritage de la guerre et d’une nécessité d’autonomie).
Et les prix ?
C’est là que le bât blesse. Les plus riches n’ont aucun intérêt à ce que le système change. Bien sûr les sociétés ou les privés en charge de générateurs ne veulent pas perdre l’accès au pactole1. Mais les usagers les plus aisés non plus ne veulent pas d’un changement trop rapide. Pourquoi ?
Le prix de l’électricité publique est (en gros) le même depuis 1994, avec un kWh à 9 cents de dollars US (135 LL). Sachant que le prix de production est de l’ordre de 18 cents (un peu plus dernièrement). Oui c’est bien cela, l’électricité est revendue moins chère qu’elle ne revient à produire.
Sachant que le prix du kWh via générateur (fixé par la loi, c’est dire que le principe est pratiquement officiel) est aux alentours de 27 cents de dollars US (405 LL) avec en plus un abonnement mensuel qui varie de 5.000 à 10.000 LL.
Les zones les plus pauvres (la campagne) supportent les coupures les plus longues, les zones les plus riches (Beyrouth) bénéficient d’un temps maximal subventionné (parce que payer moins cher que le coût de production c’est une subvention cachée) et au sein des villes ce sont les plus riches qui possèdent le plus d’appareils électriques qui consomment le plus et profitent le plus.
Pour bien comprendre la situation il faut bien se rappeler que l’électricité c’est le frigo, l’eau quand il y a une pompe et la clim’ (quand il fait 32 sans un souffle d’air avec 85% d’humidité ce n’est pas un luxe et pour beaucoup c’est également le seul moyen de chauffage l’hiver).
La solution serait d’augmenter le tarif de l’électricité publique afin de consolider le réseau et de le rentre rentable (enfin à l’équilibre, comme un service public, avec des tarifs sociaux), de fixer des paliers de coûts liés à la consommation de manière plus réaliste qu’actuellement. Solution qui ne va pas du tout plaire aux couches les plus aisées, ni à ceux qui gagnent leur vie avec le service privé.
1 Pour être entièrement honnête les producteurs privés ne sont pas uniquement des bénéficiaires sans risque. La dévaluation de la LL, le pétrole qui s’achète en Dollars US (enfin le diésel pour faire fonctionner les générateurs) et le prix de revente encadré par le gouvernement (ou par certaines municipalités selon les régions) peuvent à terme les obliger à arrêter la fourniture.
Ping : Electri - cité - Une famille s'installe au Liban