I hate to love hell

Après la coupure estivale nous voici de retour au pays de Levant. Et avec un titre en anglais histoire d’attirer un lectorat international qui donnera de la visibilité à ce blog afin que nous puissions vendre de l’espace publicitaire et devenir riches.

Ouais, bon ok, c’était juste pour me la péter.

L’illustration de cet article a plusieurs sens. Tout d’abord c’est une photo réalisée par Petite Demoiselle (ou Madame, j’avoue que j’hésite) lors de notre visite au Musée National du Liban. Ensuite elle représente une fresque à moité délabrée, blessée par la guerre (en bas à gauche) et pourtant toujours là et avec l’espoir d’être vue et appréciée. C’est l’image du Liban que j’ai actuellement (oui, parce qu’encore une fois je précise que je ne parle qu’en mon nom, que je ne suis pas une sommité du Proche et Moyen Orient et que je ne peux parler que de mon tout petit vécu de petit résident temporaire).

Voilà, l’été est terminé. C’était bien de retrouver la famille et les amis (toi qui lis, j’ai une pensée toute particulière pour toi, tu sais qui tu es) (C’est démago à mort ce truc ! Je suis prêt pour faire de la politique ici moi). La météo était moins sympa, d’un autre côté les amis restés au Liban nous ont confirmé que la chaleur était étouffante.

Le retour

Le retour c’est fait dans une alternance un peu irréelle, à la Alice et ses champignons. Nous avons un vol de jour, mais avec 4:30 d’attente à Istanbul suite à un changement d’horaire, mais nous en profitons pour se préparer tous les trois au retour juste entre nous, mais à l’arrivée il faut se taper un test PCR, mais les douaniers sont rapides et toujours aussi gentils, mais je n’arrive pas à joindre le taxi, mais il arrive pile à l’heure prévue, mais le tarif a explosé depuis juin (x3,5), mais nous avons de l’électricité pour l’ascenseur à l’appart, mais elle coupe à 00:40 plus de clim’ pour dormir, mais il ne fait pas trop chaud, mais pas d’électricité le lendemain, etc., etc.

Depuis c’est douche chaude sur douche froide (au sens littéral également d’ailleurs, en fonction de l’alimentation du chauffe-eau). La première journée (mardi) fut la plus difficile. Il faut reprendre les habitudes, accepter les coupures incessantes, constater l’explosion des prix, payer 5 fois le montant prévu pour 24h d’électricité et n’avoir que 10 heures au mieux, se prendre la tête avec le propriétaire qui devient de plus en plus malhonnête (aux dernières nouvelles il ne se rappelle plus son engagement à passer l’alimentation de 10 à 20 Ampères à ses frais).

Heureusement mardi soir deux amies nous ont proposés de sortir prendre un verre. L’endroit qu’elles souhaitent nous faire découvrir est fermé (plus de courant, plus d’argent, pas assez de clients), direction notre habituel bar avec ses délicieux burgers au bacon et ses cocktails au rhum. Cela fait du bien de rire en partageant les problèmes, les inquiétudes et les espoirs. L’arrivée de la note rappelle à la réalité de l’inflation. A cinq nous venons de dépenser l’équivalent de 2 salaires minimums Libanais pour un burger et un verre. (Je vous épargne la conversion en euros, je ferai un petit passage sur le sujet plus bas).

Mercredi direction le notaire et l’ambassade pour préparer nos cartes de résidents pour l’année à venir. Gros progrès, Madame trouve le cabinet du notaire du premier coup, nous nous sentons de plus en plus chez nous dans cette ville. Et en sortant, surprise : le musée national est ouvert (fermé pour travaux depuis l’explosion du port) ! Une visite s’impose. Le musée est petit mais très bien agencé, varié dans les objets présentés et la galerie à l’étage permet de parcourir les siècles de vie ici. Un bon moment et du coup certainement une nouvelle visite plus tard avec un guide (et une asso locale) pour avoir des détails.

Un colosse égyptien au Liban – Musée National de Beyrouth – Liban

Le reste de la semaine défile rapidement, entre le ménage (Madame veut effacer toutes traces de deux mois d’absence), les courses, l’apéro et le café pour accueillir de nouveaux arrivants, la promenade en bord de mer (la corniche nous manquait), une première soirée chez des amis. La vie quoi.

La situation

« Comment est-ce ? » nous demandent les amis et la famille en France.

La réponse va dépendre des jours et du moral. La réalité est difficile. Difficile à percevoir parce que différente selon que vous ayez une voiture ou non, qu’un générateur de quartier et/ou d’immeuble complète l’alimentation d’EdL, que vous ayez des devises euros/dollars ou pas. Difficile à vivre parce qu’imprévisible. Les horaires de coupures de courant sont variables, les durées également. L’alimentation en carburant varie de peu (une ou deux heures d’attente pour un plein) à très peu (6 heures pour 10 litres) à pas du tout (fermeture en attendant les nouveaux tarifs officiels). L’alimentation en eau (pour la douche et la vaisselle, toujours rien de potable bien sûr) est liée aux pompes chargées de monter l’eau dans les cuves sur les toits et donc à l’électricité pour le fonctionnement des-dites pompes. Internet est à accès aléatoire : entre coupures de courant, coupures Internet (dues au fournisseur) et variations de débit il est difficile de compter dessus sur la durée. Impact direct sur l’activité pro de Monsieur.

Les gens sont la force du pays. Nous avons retrouvés nos amis, nos connaissances, les commerçants croisés et salués sur un pas de porte, l’inconnu qui dort sur les marches d’un bâtiment abandonné et qui nous salue d’un grand sourire à chaque passage. Ces rencontres, ses partages, ses espoirs nous donnent envie de rester, de découvrir encore, de partager encore.

L’argent

Ah ben un article sur le Liban sans parler argent, ce serait comme un article sur le nord-est de la France sans parler inceste famille. (Je sens le regard désapprobateur de Madame sur mon humour un peu trash).

Lorsque nous sommes partis début juillet, le taux de change Livre Libanais / Euros (je vous passe les détails puisque ce taux n’existe pas et varie avec le taux dollars/euros) était d’environs 20.000 LL pour 1 euro.

Au cours de l’été c’est même monté à 25.000 LL pour 1 euro.

Pour notre retour c’était 20.940 LL pour 1 euro.

Avec la formation d’un gouvernement, l’espoir de carburant Iranien, les projets d’aide Américains et Français, l’effet « retour de la diaspora et de ses dollars » pendant l’été le taux est revenu au alentour de 18.500 à 19.000 LL pour 1 euro. La grande question sur toutes les lèvres c’est : quelle évolution ?

Les prix n’ont pas vraiment suivi ce mouvement de stabilité, voire de repli. Un trajet Hamra-aéroport : 60.000 LL en juillet, 200.000 LL en septembre. Le burger de l’autre soir : 90.000 en juillet, 152.000 en septembre. Le « service » (trajet taxi partagé pour ceux qui n’ont pas lu l’intégralité des superbes articles de ce non moins superbe blog) : 5.000 LL en juillet, 15.000 LL en septembre. Le kilo de Laban (fromage blanc en gros) qui est passé de 18.000 à 32.000 (avec un prix de moins de 10.000 vers mai je crois). La bouteille de 10 litres d’eau potable est passée de 4.500 à 12.000 LL.

La surprise c’est tout ce qui est lié au carburant, donc les générateurs. Ils coûtent plus cher à faire fonctionner, ils doivent fonctionner plus longtemps (EdL ne fournit plus que 3 ou 4 heures au mieux) et le choix de s’en passer devient plus difficile (donc la négociation du prix aussi). En juillet nous partions avec 10 ampère (forfait quelle que soit la consommation) pour 500.000 LL mensuelles, en septembre c’est 2 millions après négo (3 millions normalement).

Cela veut dire que la vie quotidienne pour une personne payée en salaire local (pour ceux qui ont un travail, le chômage est partout) est un combat de chaque minute pour faire des choix (des dilemmes plutôt) entre manger ou se déplacer ? La lumière (et la clim la nuit pour dormir) ou le repas ? Imaginez vous le matin vous lever d’une nuit de mauvais sommeil et vous demander si aujourd’hui vous achetez à manger pour vos enfants, ou de l’électricité ou un peu de carburant pour aller travailler. Cela peut paraître un peu patho et facile, pourtant c’est la réalité de beaucoup de familles ici.

Conclusion

Malgré le ton un peu sombre de cet article, nous sommes ravis d’être de retour, Petite Demoiselle était impatiente de faire sa rentrée ce matin et de retrouver ses ami(e)s. Madame est contente de retrouver des élèves.

Nous avons toujours espoir et envie de découvrir le pays, de visiter toutes les régions que nous n’avons pas eu le temps de voir l’année passée.

Et toujours, presque « surtout », cette envie de croiser des sourires, des histoires, des parcours, des vies.

Pour terminer sur une note artistique, une photo du musée.

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