Et non ce n’est pas le titre du dernier Myazaki. C’est le nom donné à la forteresse de Sidon (ou Saïda, nom plus couramment utilisé).
Pour ce week-end de trois jours nous partons découvrir (et visiter en partie) une ville du Sud.
A peine descendu de l’avion (voir l’épisode précédent pour l’état de stress…) Monsieur se voit proposer par Madame un très bon verre de vin, par Petite Demoiselle un énorme câlin-et-au-lit et par Madame encore une proposition de voyage pour le week-end. Pourquoi ne pas profiter du lundi férié pour se rendre à Saïda sur deux jours et une nuit ?
Le dialogue donne un truc du genre :
« – Cela te dirait d’aller à Saïda à la journée samedi ou bien samedi et dimanche ?
– Heu … Pourquoi pas (en calculant déjà l’heure d’arrivée ce soir là, les potes invités à la maison le lendemain et une sortie prévue le dimanche soir en amoureux). Cela ne fait pas un peu chargé ?
– Comme tu veux, même si ce serait super bien et que j’en ai déjà parlé à Mister J et que j’ai contacté des hôtels, c’est vraiment à toi de voir.
– Bon ben ok, appliquons notre règle du « toujours dire oui aux opportunités », c’est parti pour Saïda.
– Du coup l’hôtel ne répond pas, si tu peux voir pour un logement … »
Et voilà comment en quelques heures je me retrouve à chercher un point de chute dans la troisième ville du pays. La mission est à priori facile (enfin tout est relatif). Sauf que … je m’aperçois rapidement qu’il n’y a que deux hôtels dans toute la cité. Oui, vous avez bien lu : la troisième ville du pays, plus de 250.000 personnes, la capitale du Sud Liban (administrative, financière, politique) ne compte que 2 hôtels.
Et là je me retrouve dans la situation habituelle, à savoir que je contacte les deux lieux et que je n’obtiens pour toute réponse que « Vous cherchez à contacter l’hôtel ? » du premier et rien du tout du second. Le lendemain j’aurais finalement un « 10 USD » comme toute réponse du deuxième (pour combien de personnes ? Avec ou sans les petits déjeuners ? Et le tarif en LL ?). Le premier, à qui j’avais répondu immédiatement « oui comme précisé dans mon message je recherche trois chambres avec … » me répondra finalement une semaine plus tard pour me confirmer la disponibilité. Une semaine plus tard, c’est à dire une semaine après notre retour de Saïda … A noter aussi que la copine qui est passée vendredi soir bosse à Saïda régulièrement, a pu tester un des deux hôtels et que le test fut pour le moins non concluant (préservatif usagé sous le lit par exemple).
Je me rabats sur les offres d’un site d’offres de logement entre particuliers (voire de « logements » au pluriel puisque certains en font un véritable business). C’est une solution que j’ai toujours réussi à éviter au Liban puisque payer le prix touristes étrangers en dollars ne représente aucun intérêt. De plus pour les loueurs ici, à moins d’avoir un compte à l’étranger ce n’est pas top non plus (l’argent rentre bien sur les banques ici, c’est pour le récupérer que cela se complique). En cherchant un peu je trouve un contact qui accepte de passer en échange direct par téléphone et avec qui je négocie un paiement cash en LL à l’arrivée. Tout est donc parfait.
Ah bon ? Vous ne me croyez pas ? Bien vu !
Tout est parfait sauf que le mec est en Allemagne, que c’est sa sœur qui nous recevra, que le logement n’est pas à Saïda mais à Aabra (ce qui représente 40 minutes de marche, plutôt cool si ce n’était pas sous la pluie et dans le noir). Départ, avec un taxi (enfin négocié sur une autre plateforme puisque la crise empire et que les compagnies de taxi habituelles sont à des tarifs exorbitants) le samedi vers midi, direction le sud.
La frangine est adorable, elle propose de contacter une voisine pour nous descendre en ville, nous libère la troisième chambre (visiblement elle n’était pas au courant) encombrée de fringues, nous met le frigo à disposition (Madame se prépare immédiatement un sandwich) et nous confirme l’eau chaude et l’électricité 24/24. Bien sûr le lendemain matin ce sera douche froide dans une des salle de bain et tiède pour la seconde (avec juste assez d’eau pour 2 personnes sur 4), pas d’électricité au réveil et une tirade de Monsieur sur l’état du pays. (Oui, le matin je râle, la journée aussi prétendent certains, mais le matin avant le café, sous l’eau froide, dans une salle de bain inondée parce que la porte de la douche n’arrive pas jusqu’au sol (idée de génie !) et à moitié dans le noir, je râle vraiment.).
Revenons au samedi. Après un voyage rapide et un peu de recherche nous arrivons à Aabra, posons nos affaires et partons à pied direction Saïda. Effectivement le port n’est qu’à quelques dizaines de minutes. Nous faisons un petit arrêt pour un shawarma (délicieux) et nous cherchons le musée du savon (un des sites à visiter parait-il). L’entrée n’est pas onéreuse et heureusement. Le bâtiment est superbe et la visite aurait pu être intéressante si la guide ne donnait pas l’impression d’une course contre la montre. Le temps de découvrir la fabrication de savon à l’ancienne et nous revoilà dans la cours, prêts à partir. Ah non, il faut d’abord passer par la boutique du musée où les prix sont déconcertants. Le mot est choisi avec soin pour rester correct et ne pas devenir insultant. Si vous voulez un savon local pour moins de 10 usd, faites 30 mètres, entrez dans le souk et achetez le pour 1 usd.
En parlant des souks ce sera notre prochaine destination. La nuit tombe et nous nous perdons agréablement dans les petites ruelles couvertes tantôt de toiles, tantôt d’arches en pierre. L’ambiance est magique, Petite Demoiselle marche en avant, sans peur de s’égarer loin de nous, une vraie petite aventurière. Puis nous allons prendre un café (oui c’est l’heure de l’apéro bientôt, ceci dit la ville est fortement sunnite et les bars sont tous sans alcool. Un seul restaurant d’après notre copine sert du vin) et un chocolat chaud. Nous retrouvons S. (la copine de la veille au soir à l’appart, celle qui bosse ici) et elle nous embarque dans ce qui sera un de ces moments imprévus et magnifiques. Nous nous retrouvons à un concert de piano (avec expo de tableaux) dans le plus ancien Hammam de la ville (qui n’est plus en service). Même moi qui ne connait pas grand chose au classique j’ai apprécié (il semble qu’il est joué des morceaux connus et faciles à écouter). Le son et le cadre se conjuguaient pour nous faire voyager. La famille de S. nous avait rejoint avant, la soirée est encore jeune, direction The Rest House, autrement dit *le* restaurant de la ville. Le lieu est superbe, la carte plutôt bonne (du poisson frais) et du vin. Cerise sur le gâteau S. nous dépose au logement à Aabra (7 dans la voiture, pas de soucis au Liban).
Dimanche, la pluie a disparu, le soleil est de retour et nous découvrons Saïda de jour. Cela rappelle les quartiers sud de Beyrouth. A savoir quand même délabré, avec des maisons restaurées qui se démarquent dans le paysage. Est-ce que ce sont les souks, la crise ou une sensation erronée, nous trouvons la ville pauvre. Pas miséreuse ou inamicale (les gens sont adorables comme en général dans la pays), juste l’impression que la crise est encore plus présente qu’à Beyrouth sans avoir les avantages de la montagne (jardins potagers, poules, etc.).
Nous commençons par visiter la forteresse dans la mer. Le passage touristique obligé. Ce qui m’a le plus marqué c’est le nombre de colonnes (sûrement Grecques) réutilisées dans les constructions ultérieures de la forteresse. Comme dira Madame : les carrières les plus proches sont loin, autant recycler ce qui est sur place. Nous retrouvons des amies dans la cours de la forteresse et direction le palais Debbane. C’est un ancien palais privé devenu musée (toujours privé). Une fois à l’intérieur le silence, la fraicheur et le chant des oiseaux (oui je sais cela n’est pas silencieux, je parle du silence par rapport au bordel du souk autour) nous donnent l’impression d’être dans un autre monde. La vie d’un riche propriétaire devait être sympathique. Le palais abrite une très belle collection d’instruments de musique à cordes (les instruments, pas la musique). La photo (voir plus bas) est celle de celui qui m’a paru le plus dément : 26 ou 28 cordes. Je me demande comment les femmes (c’étaient des femmes qui jouaient) arrivaient à s’en servir.
Les sous-sols abritent une exposition temporaire de tableaux et une expo permanente de vases, pipes en gré et diverses poteries trouvées lors de la restauration de ces parties souterraines.
Retour au souk, le jour. C’est un mélange de produits pour touristes (made in china) et de produits de tous les jours (lessive, savon, épices, viande, légumes, poissons). Nous avons adoré cette ambiance.
La fatigue et surtout la faim se font sentir, direction le bord de mer pour quelques grillades. Quelques pas sur la corniche, repasser prendre les bagages à Aabra, un arrêt dans une pâtisserie sur la route du retour, la nuit tombe déjà, Beyrouth nous attend.
Il faudra revenir aux beaux jours pour flâner dans les ruelles plus longuement.
Ce premier contact avec Saïda nous a surpris (au bon sens du terme). La ville nous avait été présentée comme une ville du sud, très religieuse, presque stricte. Certes l’alcool ne coule pas à flot et la proportions de femmes avec un foulard est plus grande que dans notre quartier de la capitale, mais nous n’avons aperçu qu’une femme voilée et de nombreuses jeunes femmes en pantalons moulants, talons hauts et maquillage et n’avons ressenti aucune pression ou regard. Encore une fois les impressions lointaines sont trompeuses, et il faut se rendre sur place pour constater la vraie vie de tous les jours.
Je vous laisse avec quelques images de la forteresse, du palais, du souk et de la plage bien sûr. (Clic droit pour voir dans un nouvel onglet en grand).
Et pour toutes les infos sur Saïda : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sidon