Liban – Égypte : La pyramide de Maslow

Le Sphinx de profil

Et voilà encore un titre capillotracté pour introduire un nouvel article. Il était temps, le précédent remonte presque à un an. Que voulez-vous il faut bien reconnaître …

… que passé un certain temps dans un pays les nouveautés se font plus rares. La situation actuelle concernant les échanges d’amabilités avec nos « chers » voisins du Sud n’encourage pas vraiment les randonnées dans les zones qu’il nous reste à découvrir et la relative stabilité du quotidien (électricité, eau, inflation, taux de change) n’incite pas à faire des articles de fond.

Retour au sujet principal : notre première visite en Égypte.

Nous découvrons, ou plutôt nous vivons, une première expérience pourtant si fréquente chez les expatriés : retrouver dans un pays tiers des potes/amis/amours (rayer les mentions inutiles) connus dans un des pays de mission. Pour nous ce sera des amis rencontrés au Liban et qui sont partis s’installer en Égypte, à Alexandrie pour être plus précis.

Nous avons déjà vu partir d’autres connaissances, certaines très proches, pour le Japon, le Maroc, la Mauritanie, la Suisse (oui, bon, d’accord, tout le monde ne vit pas des trucs fabuleux), pourtant les emplois du temps, le coût des billets, les opportunités ne se sont jamais alignées (j’assume le féminin et j’emmerde l’Académie) jusqu’à présent.

Cette fois-ci c’est décidé, fixé, validé. Nous profitons des petites vacances de février pour nous rendre sur les terres des Pharaons.

Préparatifs

Autant l’admettre tout de suite, Monsieur a été très léger sur l’organisation cette fois-ci, la faute à une fin d’année et un mois de janvier chargé et à une grosse dose de fainéantise. Les préparatifs se limiteront à prendre les billets d’avions et à réserver un logement pour la seconde moitié du séjour. Nous sommes bien loin de la liste des points de visites potentiels ou des recherches sur quel opérateur Internet, quelle compagnie de taxi et tous ces petits détails qui font le charme d’un voyage (oui, je suis toujours remonté contre les taxis du monde entier).

Nos amis habitent à Alexandrie, pourtant nous optons pour une arrivée (et un départ) au Caire. Tout d’abord parce que c’est moins onéreux, plus rapide et sans escale. L’autre raison est que le nombre de touristes étant plus important nous risquons moins d’être ennuyé pour le contenu de nos bagages. En effet nous apportons avec nous quelques munitions sous forme de gin et de rhum, parfum de nostalgie pour ces productions libanaises. Nous sommes dans les quotas autorisés, cependant les autorités peuvent se montrer tatillonnes malgré tout. Autant débuter le séjour sur une bonne note et s’éviter les prises de tête.

Alexandrie, Alexandra

Mince, cela ne fonctionne pas, le prénom n’est pas le bon (et non je ne le citerai pas ici. Comme pour chaque article public j’essaie de conserver un minima d’intimité).

L’arrivée au Caire est rapide, à peine une heure trente de vol, l’achat des trois visas au guichet d’une des banques présentent sur place, le passage en douane, la récupération des bagages et l’absence de contrôle ensuite, tout s’enchaîne sans ennuis et nous retrouvons notre chauffeur à l’extérieur. Ah oui, pour éviter les arnaques en tout genre, dont une tentative d’un guichet « officiel » à l’intérieur de l’aéroport, notre amie Alexandra (ce sera plus pratique de la nommer que de périphraser tout le temps, et oui j’invente des verbes) nous a envoyés un chauffeur privé qui bosse pour quelques organismes officiels français.

Deux heures trente d’autoroute, superbe et en très bon état, plus tard nous avons traversé une partie du pays, profité du soleil et arrivons chez Alexandra.

Les journées passent très vite, trop vite. Petite Demoiselle retrouve sa copine, qui est ravie également, Monsieur peut jouer, un peu, son rôle de parrain, et quel plaisir de retrouver les soirées autour d’un verre (enfin quand je dis un …) et de bons plats (Alexandra est une excellente cuisinière). Les fins de matinées/après-midi sont consacrées aux visites de la ville, en commençant par la grande bibliothèque, puis la citadelle, le musée gréco-romain et pour terminer une courte promenade sur la corniche.

La visite de la grande bibliothèque restera un souvenir un peu particulier puisque Alexandra et son mari nous ont organisé une visite privée VIP, avec une guide dédiée pour chaque partie (la bibliothèque, les différents musées à l’intérieur). La grande classe. C’est inhabituel pour nous, et franchement très agréable.

La citadelle d’Alexandrie est superbe, avec un état de conservation/restauration excellent. La vue sur la mer ne gâche rien, le soleil était de la partie, que demander de plus.

Le musée gréco-romain sera l’occasion de voir nos premières stèles couvertes de hiéroglyphes. Ce ne seront pas les dernières … (Oui Vince, cela m’a fait le même effet que toi avec les geysers de Yellowstone, passé la dixième fois c’est moins grisant, à la vingtième on jette un œil poli et à la trentième on reste dans la voiture).

Quelques photos.

Le Caire, nid d’espions

Non, j’déconne, c’est juste pour le titre du film. Bien que nous n’étions que rarement seuls lors de nos visites, que cela soit à Alexandrie ou bien au Caire. Toujours un mec en costard ou uniforme pas loin. Bien sûr la sécurité est très forte en Égypte et c’est normal de croiser des policiers et des militaires. Maintenant remarquer, par hasard, que le mec aperçu sur la place Tahrir un jour se retrouve dans la même petite ruelle perdue que nous le lendemain, Madame a eu des doutes et je la comprends. La coïncidence est possible, sur 24 millions d’habitants dans la capitale cela devient des probabilités à jouer à la loterie et quand cela se reproduit plusieurs fois lors du séjour c’est comme trouver une forme de vie intelligente dans un parti d’extrême droite : pas impossible mais quand même irréaliste.

Nous arrivons le lundi en fin d’après-midi, après deux heures trente de taxi « privé » (merci Alexandra, je ne te le dirai jamais assez) depuis Alexandrie. Le logement que Monsieur a réservé est tout à fait correct et surtout dans une petite rue parallèle à l’avenue qui longe le Nil, avec les fenêtres qui donnent sur la cour, cela garantie un silence paisible pour la nuit, ce qui est loin d’être le cas partout. La ville ne semble jamais dormir, les embouteillages et les concours de klaxons sont permanents.

Direction Downtown et la place Tahrir, que Madame veut découvrir. La petite île qui sépare le Nil en deux bras, juste en face de chez nous, héberge la tour du Caire. Nous découvrons le monument par hasard et décidons de monter au sommet pour profiter de la vue. Monsieur veut voir la ville de jour, Petite Demoiselle souhaite le coucher de soleil et Madame préfère la vue de nuit, sous les lumières de la ville. Le temps d’acheter les billets, de refuser le coupe-file, de comprendre qu’il va falloir attendre 3 heures minimum, de retourner acheter un coupe-file, de faire quand même la queue derrière les coupes-coupes-files (laissez tomber, c’est un concept) ce sera Madame qui sera servie (j’ai hésité à la faire celle-ci). La vue est belle, la météo clémente, cela nous permet de ne pas regretter le racket organisé.

Pour ce premier soir tous les trois, nous ne dérogeons pas à la coutume de trouver et tester un italien dans chaque pays (je parle bien sûr d’un restaurant !). Un mixte de coup de bol, de mauvaise direction, de fatigue-on-trouve-un-truc-à-moins-de-300-mètres et nous voilà dans une ruelle transformée en terrasse à déguster de délicieuse pizzas arrosées d’un coca. Ah oui, après les soirées arrosées d’Alexandrie cela va être la cure de désintox forcée : sodas, thés ou cafés.

Le mardi c’est la visite tant attendue des pyramides, oui les machins pointus.

Comme nous sommes toujours aussi joueurs nous décidons de ne pas utiliser les voleurs taxis. Ce sera donc métro ou bus. La réalité pointe rapidement le bout de son nez. Le métro ne va pas jusqu’au site de Gizeh et pour les bus c’est un truc de dingue. Il existe les bus d’état (CTA), les bus de regroupements privés (MYS ou un truc du genre), les bus publics mais pas comme les premiers (toujours pas saisi la différence), les micro-bus qui sont des petits vans pour passer partout, sont censés être plus ou moins officiels mais fonctionnent sans indication (le chauffeur hurle sa destination et les gens montent/descendent un peu n’importe où) et des mini-micros-bus (des Suzuki) souvent rouges pour lesquels je n’ai carrément pas compris ce qui les distinguent des micros-bus blancs.

Tous les guides et sites parlent d’un bus CTA qui part de Tahrir (et doit passer proche de chez nous), mais aucune référence quand je cherche sur les applis de déplacement et de transports en commun. Nous partons donc un peu au feeling, marchons jusqu’à Giza Square (40 minutes quand même) qui semble un gros point de passage. Bien évidemment impossible de trouver quoi que ce soit, nous demandons à un agent de transport (un mec de 20 ans, en parka jaune et à l’air sympa mais aussi perdu que nous) qui ne connait pas les bus (si, si, j’ai bien dit agent des transports). Là dessus un flic, ils ne sont jamais loin, vient voir pourquoi nous semblons toujours chercher et s’il peut aider. Quelques échanges entre l’anglais, l’arabe et le mime, il comprend que nous galérons pour un bus vers Gizeh. Il nous propose un micro-bus, nous acquiesçons et là miracle de la police il interpelle un chauffeur, lui fait confirmer la direction et lui demande de nous prendre en charge et de partir maintenant (alors que nous sommes seuls et qu’il est censé attendre d’être plein). Personne ne discute les ordres des forces de l’ordre. Heureusement en quelques centaines de mètres le bus fera le plein de passagers. Le trajet est épique, un peu comme dans les services (les taxis partagés) les plus défoncés de Beyrouth. L’ambiance est sympa, tout le monde nous aide pour payer (le vrai prix, soit 13,50 EGP pour trois, en gros 35 centimes) et pour nous faire descendre au bon endroit. Le retour se fera dans un bus public mais pas CTA (j’ai arrêté de tenter de comprendre) pour le même prix ou presque (22,50) et le pauvre chauffeur, petit et âgé, devra même nous courir après pour récupérer le prix du billet de Petite Demoiselle dont nous pensions qu’elle voyageait gratuitement (comme à Beyrouth).

Passage à la caisse (carte bancaire uniquement, merde, cela ne nous arrange pas, le taux officiel de 33 EGP pour 1 Euro n’est pas celui qui peut se trouver en cherchant un peu de 50 à 73 EGP pour 1 euro au marché noir, moyennant 5 ans de prison en cas de dénonciation). Première surprise, le plateau de Gizeh, et donc les pyramides, n’est plus en plein désert, comme dans les vieux films d’aventure. La banlieue est juste en bas du plateau, entre l’arrêt de bus (en ville) et l’entrée du site nous marchons tout au plus 10 minutes, et encore au milieu des habitations.

Je ne vais pas jouer les guides et vous présenter le site, Wikipédia et autres s’en chargent déjà mieux que moi. Simplement se retrouver face à toutes ces pyramides et tombes (les trois principales, celles des reines, puis les tombeaux des nobles ou personnages importants) en imaginant leur âge, leur histoire, ce qu’elles ont vu passer (façon de parler bien sûr) de l’histoire humaine, cela fait vraiment quelque chose.

Le jour suivant sera consacré à la Mosquée Ibn-Tulun, à la citadelle de Saladin et à la découverte du Caire à pied. Nous passerons dans des rues tellement perdues qu’elles sont en terre battues, entourées de logements délabrés au possible. Les regards sont appuyés, très appuyés. Le dogme religieux est assez présent, la place de la femme, la tenue vestimentaire, les tatouages et les cheveux longs de Monsieur, tout cela se ressentait à Alexandrie, au Caire dans les quartiers touristiques également, et là c’est le summum. Petite Demoiselle comprenant l’arabe (même si l’accent égyptien est raide) n’ose même pas tout nous traduire tellement certaines remarques sont insultantes sur notre passage.

Encore une nuit au Caire, un restaurant au bord du Nil, et direction le musée. Plusieurs musées se partagent l’intérêt des touristes bien sûr. Nous optons pour le vieux musée du Caire, de son vrai nom Musée égyptien du Caire. Il date de 1902 et a été surnommé à une époque « The Storage » par les archéologues. Autant dire que la quantité prime sur la qualité de la présentation. Cependant aucun regret, quel régal pour le regard de voir toutes ces antiquités. Quel plaisir aussi d’avoir l’impression d’être Indy à la recherche de l’Arche perdue. Un petit pincement au cœur tout de même devant certaines momies en train de s’abîmer derrière des vitrines poussiéreuses dans une pièce sombre et un peu oubliée, sans aucun contrôle d’humidité.

Nous terminons la journée par un restaurant traditionnel, excellent et qui propose du vin ! (local, de 2016, sans conservation adéquate, disons que c’était une expérience originale).

Le dernier jour nous décidons de faire une ultime promenade en famille sur la corniche le long du Nil. Notre décisions tient jusqu’à la première barge où nous cédons à l’appel d’un café, qui se transforme en brunch jusqu’à l’heure du départ.

Dernières aventures à l’aéroport où nous monterons dans l’avion avec plusieurs bouteilles d’eau venant de l’extérieur mais après confiscation des briquets et non en avoir lâcher un bakchich final à un mec juste pour passer nos bagages au scan sécu …

Quelques photos (toujours clic-droit ouvrir pour la voir en grand).

Conclusion du voyage

Difficile de faire le tri.

Nous avons été très heureux de retrouver Alexandra et sa famille, nous sommes impatients de revenir les visiter et peut-être de faire une croisière (non, pas les gros trucs pourris) sur le Nil pour Louxor et la Vallée des Rois.

Les regards et les remarques à peine voilées, l’obligation de faire attention au choix du lieu pour pouvoir partager un thé et une cigarette sans que Madame ne se fasse dévisager comme une femme de petite vertu.

Les regards clairement concupiscents sur Petite Demoiselle et son amie par des mecs de 50 ans alors qu’elles en ont à peine 10.

Comme nous l’a dit un commerçant syrien avec qui nous avons sympathisé un soir : les égyptiens sont adorables tant que tu n’as aucun lien d’argent ou de business avec eux.

En même temps notre vision est biaisée par la vie au Liban, l’ouverture d’esprit, la culture, l’éducation que l’on trouve ici et qui, de l’aveu même de plusieurs égyptiens de milieux différents, fait cruellement défaut là-bas.

L’oppression due à la foule, à la densité de monde partout et tout le temps. Les incessantes pressions pour les pourboires qui donnent l’impression d’être des portes-monnaie sur pattes, l’obligation de vérifier sa monnaie, sa note au restaurant (ce qui n’est pas du tout nécessaire au Liban).

Des personnes simples et accessibles qui nous ont aidé à trouver notre chemin, des hommes comme des femmes qui ont échangé un sourire juste pour le plaisir, des rencontres charmantes (mention spéciale de Madame et de Petite Demoiselle aux femmes des wagons « lady only » du métro).

La première conclusion serait de dire que c’est un pays (enfin deux villes pour l’instant) à visiter et pas forcément à vivre. Peut-être que nos avis changeront lors du prochain voyage, ou du suivant, ou du suivant …

Conclusion finale : aucun regret, et expérience à faire, à refaire et à partager.

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