L’année dernière notre projet de voyage en Jordanie a été remplacé par la visite de Chypre pour éviter le ramadan, très suivi et pouvant rendre difficile l’organisation.
Juste avant les vacances de Noël le projet refait surface lors d’une visite de notre guide libanais préféré (Charbel) de passage à Beyrouth suite à son déménagement à Dubaï. Mister J. est là également, et la décision est validée.
Avant-propos
Bien évidemment les studieuses vacances des fêtes seront consacrées aux repas, aux longues soirées alcoolisées de dégustation raisonnée de vins et spiritueux et à aucun moment à la préparation de ce voyage. Pourtant caler les dates, les vols et les hébergements pour 5 adultes et une enfant en provenance de 3 pays différents (la compagne de Mister J. viendra de France) demande un minimum d’attention. Nous faisons confiance à notre Karma …
Mi-janvier (bien tassée, la moitié) la réalité nous rattrape et nous bougeons un peu nos fesses. Monsieur propose un premier jet sur 6 à 7 jours (ah ben oui, forcément il y a des choix. Je suis « option » diraient certains de mes pairs). Charbel fait valider par un collègue Jordanien installé à Dubaï (la mondialisation en œuvre). Cela semble ok, reste à organiser en détails.
Deux mauvaises nouvelles tombent coup sur coup. La compagne de Mister J. n’arrive pas à faire déplacer ses cours (ceux qu’elle donne s’entend) et la famille de Charbel lui avoue une visite surprise à venir (plus si surprise donc) quand il annonce son voyage. Finalement nous partirons à quatre. Petit pincement au cœur et espoir de tous se retrouver en une autre occasion.
Je m’attèle sérieusement à la tâche : repérer et réserver des logements, trouver un véhicule à louer sans avoir l’impression de payer l’achat d’une bonne voiture d’occasion, valider les temps de trajet sur place, se pencher sur les vols depuis Beyrouth, estimer la température (oui, c’est un peu de consultation des sites météo et des stats des années passées et beaucoup de doigt mouillé) pour décider de dormir dans le désert ou non, choisir de repartir d’Aqaba ou de se faire un road-trip pour retraverser le pays dans la dernière journée.
Une soirée apéro productive pour que Mister J. et Madame valident le tout (budget, choix des hébergements plutôt locaux et roots qu’hôtels de luxe). Nous réservons les billets, commandons le JordanPass (qui comprend le prix du visa d’entrée et l’accès à quelques sites touristiques dont Petra. Financièrement très intéressant.) et je bloque tous les AirBnb (pour des gîtes chez l’habitant c’est le plus simple, je n’ai pas les moyens d’appeler un par un comme au Liban). Même la voiture est réservée chez un loueur local (oui, nous aimons jouer avec le feu).
Jour 1 – Voyage et Amman
Départ de Beyrouth à 12:00, arrivée à Amman à 14:00 (une heure de vol et une heure de décalage).
Le vol est un régal pour les yeux. Nous survolons les chaînes du mont Liban et du mont Anti-Liban, avec la Bekaa au milieu. Tout est enneigé. Ensuite c’est le sud de la Syrie, qui réveille mes envies de découvrir ce superbe pays, et l’arrivée sur Amman. Capitale étendue dans le désert, s’allongeant de toute sa taille. Un virage de l’avion permet d’apercevoir brièvement un bout d’eau qui doit être la mer Morte.
Le ton est donné dès l’aéroport : le premier guichet est celui pour acheter les visas (ou présenter le JordanPass). Nous lâchons 40 JOD (Dinar Jordanien, environ 52 euros) pour Petite Demoiselle puisque les entrées sont gratuites pour les enfants, rendant le JordanPass inutile.
La file suivante est pour le passage en douane. La saison est creuse, l’après Covid se fait encore sentir, peu de monde. En cas de surpopulation, si vous souhaitez éviter d’attendre vous pouvez payer 10 JOD pour un coupe-file.
Le douanier nous souhaite la bienvenue. De son côté Mister J. a laissé sa carte de résident Libanais dans son passeport, l’officier tique et ce sera un passage par le bureau pour vérification (sans dommage côté rectal, je rassure mon lectorat).
Direction les trois guichets des opérateurs téléphonique pour avoir du réseau (pour pouvoir se déplacer dans le pays avec les cartes sur le GPS, contacter les hôtes en cas de besoin, appeler la police en cas d’accident, etc.). Comme par hasard le forfait voyageur (7 jours, 15 Go de data pour 10 JOD) n’est pas disponible et nous voilà avec un forfait d’un mois, 100 Go de données et 30 JOD en moins. La carte bancaire ne refroidira pas du séjour.
Le forfait téléphonique montre son utilité immédiatement, puisque le gentil loueur de voiture n’est pas trouvable. En même temps nous n’avions pas de point de rendez-vous précis, et vu la taille de l’aéroport, ni lui ni nous ne tentons une recherche aléatoire. Ce serait comme tenter de trouver un militaire étudiant en droit qui vote à gauche.
Le mec arrive, la voiture est un surclassement (chouette, de la place à l’arrière et aucune difficulté de style Tétris pour les valises), en bon état. Il nous conduit au bureau (5 minutes à peine de l’aéroport) pour les papiers et nous voilà sous le soleil Jordanien à la recherche de l’appart-hôtel de ce soir (pas de « chez l’habitant » dans la capitale, aucun intérêt à notre avis (oui c’est purement subjectif ! )).
Première constatation : nous avons dû transmigrer au Nirvana sans nous en rendre compte. L’autoroute n’est pas parsemée de trous, les clignotants indiquent un changement de direction et ne servent pas de phares dans les tunnels, le soir notre promenade sera illuminée par l’éclairage public. Quand je demande au mec de l’hôtel si l’électricité est utilisable sans restriction (genre trois clim’ en même temps) et toute la nuit (pas de coupure à 00:00 ?), il me regarde comme si j’étais un attardé. Un gentil attardé, mais un attardé quand même.
Amman ressemble à Beyrouth (quelques quartiers pauvres, maisons délabrées, épiceries un peu partout) tout en étant différente (immeubles plus bas, il y a suffisamment d’espace dans le désert pour s’étendre à plat). Les personnes croisées sont accueillantes, souriantes et la plupart maitrisent l’anglais parfaitement.
Nous voudrions visiter la forteresse mais il est trop tard, à cette saison la fermeture est avancée à 17:30. Alors nous déambulons au hasard, visitons le théâtre romain, flânons dans une galerie hébergeant de superbes peintures. Comme mus par une habitude profondément ancrée nous parcourons les quartiers les moins en vue : poubelles éparses, fils électriques pendouillant, enfants qui jouent pieds-nus.
La cuisine jordanienne étant essentiellement la même qu’au Liban (ce que les jordaniens admettent, contrairement aux libanais. Tous nos amis nous soutiennent que c’est totalement différent, sans jamais préciser en quoi …) mais à un prix plus élevé (le pays vit du tourisme et de l’uranium) nous préférons varier. Madame trouve par hasard un restaurant proposant de la cuisine latino (tacos, nachos et autres burritos). Nous accompagnons d’un cola puisque l’alcool est absente de presque tous les endroits. Ce sera une bonne semaine pour passer au thé et au café.
(Pour toutes les photos sur cet article il est possible de faire clic-droit « Ouvrir l’image dans un nouvel onglet » pour la voir en grand).
Jour 2 – Nébo et la mer Morte
Constatation qui se répétera tout le long du séjour : Amman et la Jordanie, tout comme Beyrouth (et le Liban), vivent tard le soir, et ne sont pas du matin. Comme nous souhaitons partir tôt, il s’avère compliqué de trouver un endroit où prendre un petit-déjeuner. Finalement nous partirons moins tôt que prévu, mais le ventre bien plein de thé, latte, omelette et bien sûr zaatar. Je vous ai dit que la nourriture en Jordanie est très similaire à celle du Liban ?
Nous partons vers la mer Morte en passant par le mont Nébo. C’est un endroit célèbre puisque c’est là que Moïse (oui, celui qui fend les flots et massacre ceux des siens qui adorent le veau d’or) aurait eu le premier aperçu de la Terre promise avant de mourir (c’est ballot de calancher si proche après un si long voyage).
La vue est superbe, les ruines (enfin pas si ruinées que cela) de l’église proposent de superbes mosaïques. Et puis surtout le musée et l’église nous abritent du vent. Il souffle en continu, froid et fort. Le soleil est toujours présent mais nous nous gelons bien comme il faut.
La vue est saisissante et nous apercevons au loin la Cisjordanie occupée de l’autre côté de la mer Morte.
Pour tout savoir du mont Nébo de manière plus académique : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mont_N%C3%A9bo
La suite va nous rapprocher du sol, et même plus, puisque nous allons passer des plus de 800 m du mont Nébo aux – 400 m de la mer Morte.
La première difficulté sera de trouver comment se rapprocher du rivage. Soit il est en contrebas, avec une descente rendue quasiment impossible par les remblais à la verticale, soit il est sur la propriété de complexes hôteliers de luxe. Il y a également quelques parkings pour des endroits plus accessibles, seulement ils sont tous payants et nous n’avons aucune envie de marchander pour poser la voiture au milieu de nul part.
Nous dépassons Wadi Mujib (la vallée de Mujib) où j’avais espéré proposer une randonnée à notre petit groupe. Sauf que malgré les quelques sites proposant des parcours autonomes en toute saison, la réalité est bien différente : obligation de payer l’entrée de la réserve naturelle (et très cher, de l’ordre de 20 JOD par personne), puis de prendre un guide pour randonner, et avant tout cela d’avoir réservé sur le site officiel à l’avance. Quelques recherches pour approfondir semblent confirmer que la belle réserve naturelle est avant tout un aimant à pognon pour amener quelques touristes faire du canyoning à la belle saison. Ni notre trip, ni la période, la question est réglée. Un petit regret, passager, puisqu’il parait que la vue de la mer Morte depuis les hauteurs de Wadi Mujib est magnifique.
Finalement Madame (nous partageons la conduite tous les trois pour se faire plaisir) nous trouve un emplacement pour stationner, profiter de la vue et même descendre plus ou moins prudemment toucher l’eau salée. Elle est plutôt chaude et pendant un court instant, la tentation est grande de se baigner. L’absence d’une douche pour se débarrasser du sel, passage obligatoire pour éviter le dessèchement ou les brûlures, et un reste de vent coupent notre élan.
Mister J. et Petite Demoiselle repartent chacun avec un bloc de sel formant une sculpture naturelle sur un galet.
Nous ferons un arrêt en chemin sur un boui-boui au bord de la route pour déguster de très bons falafel (boulette de pois chiches) dans du pain libanais jordanien.
Nous laissons l’embranchement de Karak derrière nous, notre destination du soir, pour visiter « Le musée le plus bas au Monde ». Ce qui nous paraissait un site anecdotique s’avère un petit musée très sympathique, offrant quelques infos sur la région, l’histoire de l’occupation humaine du site, la formation géologique.
Retour en arrière, arrivée sur Karak, appelle de Nour pour trouver le logement précisément. Son frère Mahmoud vient nous récupérer. La vue extérieure du site nous laisse présumer d’un logement à la hauteur des réfugiés syriens au Liban. Heureusement l’intérieur est bien conforme aux photos. C’est confortable (aux standards de notre choix de budget et de lieux, cela reste très simple), il y a (un peu) d’eau (un peu chaude) et trois chauffages électriques (pour trois chambres, un salon et une cuisine, le jeu des chaises musicales peut débuter).
Mahmoud est très sympathique, il aime parler et nous restons un moment autour du thé. Il a 25 ans, étudiant à Amman (en radiologie) et cet appartement est son premier business. Nous l’avions contacté pour un autre lieu, géré par son père, et il nous a déplacé sur celui-ci, refait à neuf récemment. C’est lui qui gère tout ! Nour, sa sœur, n’intervient que pour répondre aux messages sur AirBnb, répondre aux appels téléphoniques, préparer l’appartement, préparer et apporter le petit-déjeuner (et le dîner pour ceux qui le souhaitent), faire la vaisselle, le ménage et changer/laver les draps. Vraiment c’est incroyable tout ce que Mahmoud fait par lui-même, rien ne permet de deviner que c’est le petit dernier et le seul garçon, d’une fratrie de 6.
Suivant les conseils de Mahmoud nous partons à Kerak (les deux orthographes sont utilisées) pour un restaurant qui n’a pas un style détonnant (grande salle, chaises en plastiques, lumières vives) et où notre mélange d’arabe et d’anglais du patron (pourquoi ne nous en sommes nous pas tenu à l’anglais au lieu de vouloir faire les malins ?) provoque une erreur dans la commande. Il manque un kebab (le vrai, pas le shawarma vendu sous le nom de Kebab en France) et nous avons deux shawarma de poulet en trop. Tant pis, tout le monde est gentil, nous prenons. Et sans regret puisque nous allons tout dévorer. Le prix est tout à fait correct, ce qui ne gâche rien.
Ensuite nous faisons quelques dizaines de mètre pour descendre la rue et trouver un bar à chicha tout ce qu’il y a de plus accueillant. Fauteuils agréables, un nid-balançoire pour Petite Demoiselle, murs lambrissés, excellents cafés. Mister J. et Madame se prennent un narguilé au goût sucré (beurk !). Une belle soirée avant d’aller se coucher. Le trajet retour vers l’appartement se fait sur une autoroute éclairée, nous ne nous en lassons pas.
La douche du matin est difficile. Il fait froid dans la salle d’eau (et dans l’appartement en général, malgré les radiateurs) et le filet d’eau tiède tient plus de la larme miraculeuse que de la cascade tropicale.
Le petit-déjeuner, préparé par Nour, est succulent, copieux et nous permet de partir bon pied, bon œil visiter la forteresse.
Jour 3 – Karak et la vallée de Dana (la la la)
Le guide (le livre, pas un mec qui nous colle) nous recommande de prévoir deux heures minimum pour visiter le château d’ Al-Karak (ou Karak ou Kerak suivant les orthographes). Cela nous parait un peu beaucoup pour quelques pierres rappelant une époque révolue.
Une fois sur place tout s’explique. Ce ne sont pas quelques pierres et deux murs mais une immense superficie qui s’offre à nous. La visite passe par la cour inférieure, la cour supérieure, le donjon, les sous-sol et tous les chemins de ronde. Pour en savoir plus sur la ville et le château c’est sur Wikipédia comme d’habitude.
Comme nous le constaterons par la suite, les lieux archéologiques et/ou historiques sont un peu mieux présentés en Jordanie qu’au Liban. De vraies entrées (à des tarifs permettant de poursuivre la restauration et l’entretien), des caméras, des protections pour certains endroits dangereux, autant de petits détails qui font la différence. Nous restons quand même dans un pays qui responsabilise les visiteurs (selon Monsieur) ou qui joue inconsidérément avec le feu (selon Mister J.) puisque le risque zéro est très loin d’être la norme. Les ouvertures dans les chemins de ronde, les meurtrières plus larges qu’un adulte qui donnent sur 30 mètres de vide, à chacun de bien surveiller ses enfants (ou pas).
La visite nous prendra largement les deux heures prévues, un peu plus en ajoutant le passage par le musée. Deux heures, de quoi laisser Madame et Petite Demoiselle marquer leur territoire à de nombreuses reprises dans des pièces ou passages abrités.
Le soleil est présent, mettant en valeur les couleurs et le paysage à couper le souffle visible depuis la forteresse qui domine tous les environs. Le froid aussi est présent, et malgré les vestes de ski, les bonnets et les foulards, nous nous surprenons plus d’une fois à trembler.
Retour à la voiture et je prends le volant vers le sud. Ce soir nous dormirons à proximité de Petra pour se préparer aux deux jours de visite sur place. Avant cela nous espérons enfin randonner dans la réserve de la vallée de Dana (oui, Petite Demoiselle et moi avons eu cette chanson dans la tête toute la journée). L’arrêt pour le repas de midi (ou 15 heures …) se fera sur le bord de l’autoroute. Au menu : Falafel pour Madame et Mister J., Manouché zaatar pour Monsieur et une accumulation de petits fours à la viande pour Petite Demoiselle que les voyages semblent affamer.
Je quitte la route des rois, et sans trop savoir comment, nous amène sur un trajet qui nous fait passer par les montagnes. Le voyage, que nous pouvions redouter être un peu long et monotone, se transforme en une suite d’arrêts-photos. Les montagnes succèdent au désert qui redevient montagnes. Les couleurs passent du rouge au noir au jaune. Peu de véhicules, nous avons l’impression d’être dans un de ces road-movies à l’américaine, en route droit devant sans autre but que d’avancer toujours plus loin pour savourer la vie et l’instant. Nous allons nous arrêter pour laisser passer deux chiots qui jouent sur la route et un peu plus loin nous retrouver émerveillés devant le spectacle mêlant éoliennes dans le désert, pierres et sables autour de nous et montagnes enneigées dans le lointain.
Madame a repéré sur le guide (oui, toujours le livre, nous ne lisons pas dans les viscères des gens !) une randonnée recommandée, pour la vue proposée, dans la réserve de Dana. Je suis le GPS, quitte la route de montagne pour prendre une route plus étroite, que je quitte pour une route franchement de campagne, que je quitte pour un chemin de terre battue entrecoupé de flaque de la taille d’un petit lac (merci le surclassement de la voiture, sinon c’était le risque de rester ici). La route redevient goudronnée (plus ou moins) et nous voici à l’entrée de la réserve.
À peine garés nous sommes interpelé par le gardien du site qui nous annonce que c’est fermé, sans que nous n’arrivions à comprendre si c’est l’heure ou la saison. Nous pouvons tout de même faire une courte rando aux alentours, ce qui ne change pas grand-chose à notre programme.
Les vues sur les vallées et montagnes sont effectivement splendides (voir les photos ci-dessous). Le froid est moins intense (ouf) et la fin de la boucle nous amène à travers une pinède qui n’est pas sans rappeler les plateaux autours de Marseille.
Comme un bon voyage ne peut pas se passer d’un moment drôle à postériori mais pas tant que cela sur le coup, ce sera maintenant …
Nous passons dire au revoir au gardien, qui insiste pour nous proposer des cafés. Madame décline, le monsieur me fait de la peine, tout seul au milieu de ce coin perdu. Et puis la vue depuis le toit du bureau/logement/terrasse ne doit pas être vilaine. Je sais aussi que Mister J. adore un bon café.
Le mec parle bien de ‘arbaea (quatre) mais je ne fais pas trop gaffe. Il s’avère que l’hospitalité a ses limites puisque les cafés (et le thé de Petite Demoiselle) ne sont pas offerts pour passer le temps, mais payants. Échange brouillon sur le prix (le mec ne parle pas du tout anglais et nous ne sommes pas encore habitués aux valeurs de subdivision du dinar jordanien). Là-dessus Madame propose à Mister J. de payer en liquide (oui parce que là où nous sommes les cartes bancaires ne passent pas, faut pas déconner quand même) et ne comprend pas que celui-ci n’a pas de monnaie. Il tant un billet de 10 JOD (10 putains de dinars jordaniens, plus de 13 euros !) et là le gardien nous remercie avec un immense sourire (en langage des signes international cela signifie que tu ne verras jamais la couleur de ta monnaie). Nous venons de boire les cafés les plus onéreux de tout le pays. Mister J. insiste pour nous les offrir et nous partons tous d’un fou-rire une fois au chaud dans la voiture, en route pour Petra.
La localisation nous amène dans un village un peu paumé, j’appelle Waafa, notre hôtesse pour les trois jours à venir. Elle me renvoie une loc plus précise et nous nous retrouvons dans un village vraiment paumé. Avec des routes en terre battue et des dromadaires au milieu. Je me fais refuser la priorité à droite par un âne ! Nous voulions du local, de l’habitant, du vrai de vrai, nous allons être servis … au-delà de toutes nos espérances.
Nous sommes accueillis par Waafa, jeune bédouine d’à peine 25 ans (moins d’après Madame qui peut se permettre d’approcher et d’observer plus que Mister J. et moi-même) et Khaled, son mari. Passe également le père de Khaled, un bédouin pur jus, qui possède tout de même un compte tiktok de 142.000 abonnés, avec certaines vidéos dépassant le million de vues. À la croisée des Mondes (référence littéraire inside).
Waafa nous montre nos chambres. Une avec trois lits une place pour Madame, Petite Demoiselle et moi-même, une avec un grand lit pour Mister J., une salle de bain avec deux douches-toilettes au même étage, une autre chambre réservée pour d’autres visiteurs. Waafa nous apporte des couvertures, beaucoup de couvertures, et un radiateur permettant de chauffer une salle d’eau de 4 mètres carrés, devant nous servir à chauffer deux chambres de 12 mètres carrés (voire plus, je n’ai pas mesuré précisément) chacune et une salle de bain (enfin l’ensemble formé de la pièce aux lavabos et des deux pièces douches-toilettes) de presque 20 mètres carrés. Vous vous rappelez nos aventures chez Rita, à Jabal Moussa ? Nous sentons bien que cela tourne à la redite.
Khaled nous propose de dîner sous la tente dehors (tente de bédouin, donc structure semi-rigide, un grand rectangle, des tapis partout, des bancs, un chauffage au milieu, plutôt confortable et très chaude). Nous validons pour le lendemain et après une soupe de bienvenue, nous partons pour le village de Gaia, à 3 minutes d’ici, là où se situe l’entrée de la réserve de Petra. Un restaurant traditionnel (et un peu touristique malheureusement) nous propose un ensemble de plats locaux (oui, oui, du libanais quoi).
Puis retour chez Wafaa et dans nos chambres. Premier constat : le mini-radiateur ne chauffe rien du tout, est bruyant et fait sauter le courant en permanence. Les couvertures devraient suffire, surtout pour Madame et moi qui avons collé nos lits pour faire un grand lit avec superposition de couvertures.
Jour 4 – Petra
Je vous évite le suspens : rien n’a suffit. Nous n’avons pas dormi de la nuit, le froid était trop intense. Idem pour Mister J. C’est donc un quattro (titre prémonitoire) épuisé et frigorifié qui se présente au petit-déjeuner. Ni Waafa ni Khaled ne nous demandent comment nous allons, je pense que nos têtes répondent d’elles-mêmes.
À peine arrivés en ville, je recherche un hôtel. Je harcèle Madame depuis le lever (je ne peux pas dire le réveil) pour trouver un autre logement. Je n’arrive même pas à imaginer une autre nuit sur place, alors deux c’est impensable. Le premier essai est infructueux, pas de chambre pour 3+1. Petite Demoiselle propose le Mövenpick, une chaîne haut de gamme. L’idée un peu folle à la base me tente de plus en plus. L’idée du froid à venir me fait reconsidérer très fortement mes priorités et nos choix de logement chez l’habitant.
Madame pense, avec raison, qu’il faudrait démarrer la visite de Petra et voir plus tard, Mister J. reste prudemment à l’écart de la tension qui monte. Je finis par céder, de très mauvaise humeur et m’éloigne à grandes enjambées vers l’entrée du site. Madame me rattrape, propose de trouver un hôtel maintenant, je reconnais sa bonne décision de ne pas trop tarder et finalement nous décidons de partir en rando à la découverte des trésors archéologiques. Le choix d’un lieu pour la nuit attendra.
Note : pour comprendre une partie des descriptions ci-dessous sans être venus vous-même à Petra, vous pouvez vous reportez à cette carte.
Note 2 : pour avoir un résumé de l’histoire de Petra vous pouvez lire cet article.
Note 3 : J’écris Petra (sans accent) et pas Pétra (à la française), c’est un choix subjectif sans aucune justification …
Est-ce que c’est ce mauvais démarrage, la nuit pourrie ou bien le côté tourisme de masse, chemin bien guidé, proposition d’acheter tout (du foulard à la promenade à cheval ou en voiturette électrique, en passant par le fouet d’Indiana Jones puisqu’un des film a été tourné ici) ? Madame et Petite Demoiselle trouve le lieu magique, Mister J. met en avant le côté archéo et historique. De mon côté j’ai la sale impression d’être chez Disney. J’ai un à-priori très négatif. Certes tout est majestueux, mais on ne peut rentrer dans les grottes ou les temples pour voir l’intérieur, il est impossible de faire plus de 10 m sans se faire proposer un collier ou un bol (faits main localement bien sûr. Ce sont les mêmes que sur les stands d’Istanbul, cela doit être le hasard des échanges interculturels).
Vers 14:00 nous cédons à la faim et nous arrêtons dans un restaurant (en plein milieu du site, est-il nécessaire de préciser que c’est le truc à touristes). La bonne surprise vient de la fraicheur des produits (vraiment réalisés à la demande) et du prix (somme toute très correct pour le lieu).
La seconde moitié de la randonnée nous amène vers le monastère, tout au bout du chemin principal. Cela présente plusieurs avantages : moins de touristes, un contact plus facile avec les vendeurs bédouins (qui cherchent autant la conversation que le client), une vue superbe sur toute la vallée qui permet de comprendre l’immensité du lieu. Les mauvaises langues disent que la proposition de mariage que j’ai eu sur le trajet n’est pas étrangère à mon changement de perception. Devant mon refus poli, Soraya (la maman qui proposait sa fille) a tenté le marchandage avec Madame qui a hésité à me vendre …
Arrivé au monastère les sentiers se poursuivent (hors carte donc) pour proposer d’accéder à des sommets offrants des points de vue tous plus beaux les uns que les autres.
Commence alors ce qui va devenir une constante de ces deux jours, et qu’il sera par définition difficile de rendre sur cet article, l’absence totale de mots pour exprimer ce que l’on ressent. Ce n’est plus raisonné, c’est vécu ! Petra est une merveille.
Retour à l’entrée de la réserve, après 7 heures de randonnée et près de 18 km. Comme Petra ferme tôt, il est à peine 18:00, ce qui laisse le temps de partir en quête d’un hôtel. J’ai repéré un petit bijou, très abordable, sur les hauteurs de Gaïa.
Le réceptionniste nous confirme tout sourire qu’il a bien deux chambres de disponibles, une pour trois personnes et une pour Mister J. Puis le tarif tombe et ce n’est pas du tout celui indiqué sur mes recherches. En cause, non pas l’honnêteté du charmant monsieur, mais une mauvaise interprétation du moteur de recherche qui comptait une seule chambre (pour 3 adultes et une enfant ? Il est à la ramasse le site). Vérification faite sur un autre site spécialisé en hôtels et également en direct sur le site de l’hôtel, les prix sont largement plus élevés.
Devant notre mine déconfite le réceptionniste nous propose une jolie remise, nous déclinons quand même l’offre en expliquant que le tarif est vraiment attractif (c’est le cas, sa proposition est plus basse que la meilleure promo sur le net via les sites spécialisés), que le lieu justifie largement le prix (c’est le cas aussi : petit-déjeuner continental inclus et tout un tas d’autres services) mais que nous prenons cet hôtel en plus de notre logement de départ suite à un problème de chauffage (ou plutôt d’absence de chauffage). Devant les yeux de Petite Demoiselle (et certainement aussi parce que nous ne cherchons pas à négocier, juste à expliquer en quoi c’est impossible pour nous) il nous fait encore un rabais. Madame a très envie de profiter du lieu pendant deux nuits, nous validons avec Mister J. et c’est un grand « oui ». Les sourires s’installent, chacun rêve de la douche à venir et des climatisations pour chauffer la pièce. Et puis boum, la tuile : les prix sont hors taxe, et les taxes en Jordanie sont hyper élevées. Cela ajoute 26% à la note, ce n’est vraiment pas raisonnable. Nous remercions et repartons (avec le sourire pour tous les efforts de cet homme qui ne nous reverra finalement jamais et n’a aucune raison de nous aider autant, à part sa gentillesse) à la recherche d’un hôtel plus simple et plus adapté à nos contraintes actuelles. Avant que je ne démarre, un mec qui trainait dans le hall vient frapper à la vitre. Il se présente : gérant de l’hôtel et adorateur de la France et des français (il a étudié dans une école d’hôtellerie français à Amman), il a suivi les échanges de loin et il nous offre les 26% de taxe …
S’ensuit une bonne demi-heure (le temps de préparer les chambres, notamment d’ajouter un lit pour Petite-Demoiselle) de dialogue en franco-arabe-anglais, avec un type plein de simplicité, de bonne humeur et qui nous sauve le séjour. Il pousse le charme à demander à Petite Demoiselle si Madame est sa mère ou sa sœur …
L’hôtel s’appelle le Petra Quattro Hotel … Vous voyez le lien avec le matin ?
Nous allons chercher nos bagages chez Waafa. Khaled comprend la situation et propose immédiatement de rembourser les deux nuits que nous n’effectuerons pas. Il nous explique aussi que Waafa a préparé le repas commandé pour le soir, de notre côté nous confirmons notre envie de le partager avec eux si c’est possible. Au final tout le monde est content, chacun comprend l’autre et nous passons une très belle soirée. J’échange beaucoup avec Khaled et son père sur la vie des bédouins. Le père de Khaled est né dans les grottes, Khaled y a vécu et suivi l’école. Le village où nous nous trouvons n’a été fondé qu’en 1985.
Le gouvernement pousse les bédouins à ne plus dormir dans Petra, voire à loger de plus en plus loin. Ces derniers résistent et parlent de leurs grottes et de leurs vallées comme du plus bel endroit au Monde. Ils n’ont aucune intention de partir.
Enfin nous rentrons à l’hôtel, et c’est une suite de petits bonheurs simples : une douche chaude et longue, un shampoing, une pièce chauffée, des matelas confortables, un café. Tout est parfait.
Jour 5 – Petra
Une belle et chaude nuit de repos, un réveil tardif (07:30, pour une longue journée de randonnée c’est à la limite de la grasse mat’) et nous voilà partis à l’assaut du petit-déjeuner.
La vue du buffet, que dis-je *des* buffets, nous laisse pantois et salivant ! Du thé, du café, du lait froid et chaud bien sûr, mais également la possibilité de demander un cappuccino, un chocolat ou tout autre boisson. Des jus de fruits frais, des fruits, des gâteaux secs, des gâteaux frais, du pain de mie (et un super grille-pain à tapis roulant), des viennoiseries européennes et libanaises (croissants fourrés au Labneh, à la figue, au zaatar), des œufs brouillés, omelette faite à la demande par la même serveuse qui fait des gaufres fraiches (oui, nous avons tous craqué sur les gaufres), des légumes, de la charcuterie (de dinde !) et j’en passe. Mister J. qui a eu un léger soucis de réveil nous rejoint alors que nous en sommes presque à une heure de repas. Nous ne quittons la table que par peur de ne plus pouvoir marcher tout à l’heure …
Passage par la chambre pour une toilette (l’eau est chaude. C’est peut-être un détail pour vous mais pour moi … vous connaissez la suite) et un soin dentaire (oui, c’est presque du gonzo journalisme, la drogue et l’alcool en moins, Jordanie oblige), le temps que Mister J. puisse déjeuner un peu et rendez-vous à la voiture. L’hôtel ayant décidément opté pour un service spécial pour ces pauvres français miséreux, la réceptionniste du matin nous interpelle, semble nous connaître (le mot est passé dans tout le personnel visiblement) et nous offre 4 lunch-box pour le pique-nique du midi à Petra.
Entrée à Petra, passage de la première partie du sentier (là où tout le monde essaie de vous vendre un tour de cheval) et de la gorge donnant sur « The treasure » et la vallée proprement dite. Nous allons vite, puisque nous connaissons de la veille. Puis nous quittons la voie principale pour prendre une série de marches sur la gauche. La longue, très longue, suite d’escaliers va nous mener au « haut lieu du sacrifice ». Une sorte de promontoire assez vaste, très en hauteur (oui, sinon c’est idiot de l’appeler comme cela) avec les bassins taillés dans la pierre qui servaient à recueillir le sang des décapités. Y’a pas à dire, à une certaine époque le clergé avait un peu plus de gueule que maintenant ! « Buvez, ceci est mon sang » n’a pas la même interprétation pour tout le monde. (Bien sûr c’est une provoc’ gratuite, ce n’était pas du tout la même religion).
La sensation de liberté est augmentée (pour ma part) par l’absence de toute modification au lieu. Nous nous retrouvons à plusieurs dizaines de mètres au-dessus de la vallée, avec des à-pic tout autour de nous et absolument aucun contrôle. À chacun de surveiller là où il met les pied, jusqu’où il s’approche et de tenir la main des plus jeunes.
Ce sera le dernier point de la randonnée avec un peu de monde. La suite de la boucle, qui ramène loin sur le sentier principal, à la hauteur de Qasr Al Bint (voir la carte), se fera dans une quasi-solitude merveilleuse.
Nous profitons d’un lieu magique, avec cette sensation que nous sommes seuls, presque à se rapprocher de Johann Ludwig Burckhardt en 1812 (voir l’histoire de Petra).
Le repas de midi sera pris sur une plate-forme offrant une vue époustouflante sur la vallée en contre-bas. Vallée que nous aurons tout le loisir de découvrir dans l’après-midi, après une descente par des escaliers, taillés dans la pierre, assez exigeants pour éviter une arrivée en bas plus rapide que souhaitée.
Après une longue marche sur un plateau sablonneux nous voici devant un des villages bédouins qui résiste à la poussée du gouvernement de ne plus vivre sur le site. Quelques femmes observent notre approche, un groupe d’enfants vient nous demander quel chemin nous cherchons (oui, visiblement si nous arrivons là c’est que nous avons foiré à une des intersections précédentes) et un bout d’chou de quelques années s’avance pour nous proposer de nous guider jusqu’à Qasr Al Bint moyennant 1 Dinar. Il lui reste les ficelles du métier à maitriser, par exemple nous faire son offre avant de nous dire que c’est de l’autre côté de cette crête à 500 m en ligne droite.
Madame, en bonne mère, ne peut s’empêcher de remarquer que la proximité de ce môme renseigne bien sur la disponibilité de l’eau dans les grottes … (Aucune condescendance dans cette remarque, la simple constatation que la liberté a un prix).
Après un café (et un jus de fruit frais) nous allions reprendre la route à pied pour le retour, déclinant toutes les offres de transports anesques et dromadairesques (oui, je sais, ce ne sont pas de vrais mots) quand toutes les petites phrases éparses de Petite Demoiselle font tilt dans mon cerveau (« J’ai un peu peur de faire du dromadaire dans le désert demain, c’est très haut », « Tatie aussi elle a des ânes, j’aime bien les caresser », « Ils sont marrants les gens qui passent sur les ânes »). Soit elle n’ose pas demander par soucis d’économie, soit elle a déjà bien intégré mes leçons sur la suggestion indirecte. Mon égo me convainc que c’est la première solution (aucun commentaire ne sera accepté sur ce choix, merci de vous abstenir) et après un échange avec Madame, cette dernière part marchander une promenade pour Petite Demoiselle.
Sur le retour nous visitons l’ancienne église, puis nous nous séparons en deux groupes, la mule (parce que ce n’est pas un âne au final) ne pouvant passer sur le sentier des tombeaux que Mister J. et Madame souhaitent revoir. Je profite du moment pour discuter avec le meneur de l’animal, un jeune de 25 ans, qui me partage son amour de sa vie, du lieu et de sa conviction profonde que jamais, ô grand jamais, lui et les siens ne quitteront la vallée, qu’ils refuseront de dormir ailleurs, de vider leurs grottes et de partir dans les villages alentours.
Cela conduira Madame à une belle réflexion sur le fait que finalement ce n’est pas le tourisme qui a tordu la vie des bédouins. Ce sont les bédouins qui ont su utiliser le tourisme pour défendre leur mode de vie, se rendre indispensables et empêcher toute manœuvre pour les jeter dehors.
Visite du musée de Petra (très joli et intéressant pour découvrir un peu la vie des Nabatéens, les seconds habitants de la régions) et pendant que Mister J. fait les boutiques, nous attendons dans la voiture parce que la température est franchement tombée. La marche au soleil, en tee-shirt par moment, de l’après-midi est bien loin. Maintenant c’est pull, manteau de ski, bonnet, écharpe. Petit fou-rire du soir : nous attendons Mister J. un long moment (au chaud dans la voiture), pendant que lui nous attend dans le froid et le vent … à la mauvaise voiture.
Douche (chaude, j’insiste) et restaurant local où Mister J. et moi-même testons la viande de dromadaire.
Jour 6 – Wadi Rum
Levés tôt (06:15), petit-déjeuner rapide à l’ouverture (06:30) des buffets et à 07:30 nous sommes tous les quatre dans la voiture pour se rendre à l’accueil de Wadi Rum, la réserve naturelle du désert du sud du pays, où nous avons rendez-vous entre 09:00 et 09:30. Le trajet est prévu pour 01:30, ce qui parait optimiste puisque l’autoroute qui traverse le désert (Desert Highway de son petit nom) alterne des passages à 40 km/h (sous prétexte que la seule tente au bord de la route est considérée comme une traversée d’agglomération, j’exagère à peine) avec des passages à 110 km/h pourtant entre-coupés de zones d’entrée-sortie de poids lourds ou carrément de dos d’ânes de 15 cm de haut (et à 110 cela fait tout drôle). Les paysages sont encore une fois superbes.
Le tourisme de masse a bien rôdé les choses. Un immense parking gratuit pour se rendre au « Visitor Center », faire tamponner le JordanPass et nous entrons dans la zone de la réserve naturelle. Un tout petit trajet jusqu’au village d’accueil où Yassin (notre guide-chauffeur de 4×4) nous récupère. Premier arrêt, toujours dans le village, pour rencontrer Salem (avec qui j’avais échangé par email) qui nous offre un thé. Nous croisons une touriste polonaise et sa fille, que nous retrouverons, par hasard, à de nombreuses reprises même au cœur d’Aqaba.
Nous montons à l’arrière du 4×4 sur deux petites banquettes et entrons dans le désert. Première surprise ce ne sont pas des dunes à perte de vue mais des éminences rocheuses sur d’immenses étendues de sable.
Yassin va nous promener toute la journée de sites en sites. Nous débutons pas l’escalade jusqu’à une source et enchaînons la montée d’une dune (qui domine l’étendue sablonneuse où a été tournée la charge du film « Lawrence d’Arabie »), la marche sur une arche au-dessus du vide, la maison de Lawrence d’Arabie, un mini-canyon (bondé de monde, vraiment le mauvais côté, j’ose à peine imaginer en pleine saison) hébergeant des écritures anciennes (protoglyphes).
Pause déjeuner. Yassin nous arrête près d’un mur de roche un peu concave, nous permettant de nous abriter du vent, tout en profitant du grand soleil. Tentative d’allumer le feu ratée (Yassin se fout franchement de moi, j’adore son humour), je n’arrive pas à allumer les trucs qui ressemblent à des restes d’excréments de dromadaires pour faire prendre les branches sèches que nous avons ramassées. J’attends que Yassin prenne la main (pour apprendre) et il triche en rigolant : il vire le truc bizarre et le remplace par du papier sorti du 4×4. Évidemment cela prend plus vite. J’adore de plus en plus son humour et son style.
Au menu : poivrons-oignon-tomate-piments-sardines (en boîte) mélangés dans une sorte de soupe-ragoût, accompagné(e) de humus, de fromage local, de pain libanais et de thon (en boîte). C’est délicieux et le début de sieste au soleil est bienvenu.
L’après-midi ce sera d’autres visites, avec moins de touristes la plupart du temps. Yassin se lâche, sent que le courant passe bien et se permet de faire quelques courses avec les autres 4×4 dans le désert. Ballotés à l’arrière nous rigolons et l’encourageons. Petite Demoiselle est aux anges.
Petite frayeur pour Monsieur : la présence d’autant de rochers ne peut que pousser à grimper (surtout après la frustration de Petra où le canyon d’entrée est une suite de tentations malheureusement interdites). Tout se passe bien jusqu’au moment où la surface complète d’un bloc se détache, entraînant ma petite personne vers le bas. Coup de bol j’étais sur une traversée plutôt basse (deux mètres environ), l’arrivée se fait sur le sable, la paroi était légèrement pentue me permettant de glisser plus que de chuter, le gros bloc qui s’est détaché est arrivé avant moi (et pas sur moi) et surtout Petite Demoiselle n’était pas dessous. Au final aucun dommage, mais Madame me dira que j’ai épuisé mon quota de chance pour la journée et que l’escalade est terminée jusqu’à nouvel ordre.
Une des dernières visites de la journée est également une des plus belles (Madame partage mon avis qui reste tout à fait subjectif). Yassin nous dépose à l’entrée d’un large canyon et nous donne rendez-vous à l’autre bout. Nous ne croiserons personne et les rares touristes présents se sont retrouvés loin devant ou loin derrière. Nous avons l’impression d’être seul au Monde, entourés de falaises et de sable. Encore un moment magique et suspendu dans le temps.
La fin de journée approche, nous pensons nous diriger vers le lieu du campement, lorsque Yassin s’arrête près d’une formation rocheuse, sans rien de particulier. Un autre 4×4 se trouve là, ce sont trois français en vacances, et rapidement d’autres véhicules arrivent (deux ou trois). Nous voici assis autour d’un feu, Yassin prépare un pain (qu’il cuira à la cendre), son cousin prépare le thé, un autre cousin étend les tapis, un autre propose des gâteaux. Spectacle en direct : coucher de soleil sur le désert !
Puis ce sont les chants et les danses de la bande de cousins, sur une musique traditionnelle crachée par un téléphone branché sur la voiture. Le meilleur du vieux monde et du nouveau. La technologie est ici un outil, pas une contrainte. Le pain, le thé, le narguilé, tout a été préparé avec des morceaux de buissons ou des produits locaux, fait manuellement.
Fabuleux spectacle, certainement un des deux plus beaux couchers de soleil de ma vie, à égalité avec celui de Chypre sur le rocher d’Aphrodite.
Nous arrivons au campement à la nuit tombée, une grande tente pour se retrouver (Fire Tent), une grande tente pour partager le repas à venir (et le petit-déjeuner demain matin), une construction en dur pour les toilettes et les douches (dont nous nous passerons au vu de la température) et de petites tentes pour loger (un à trois lits). Toutes les tentes sont surélevées pour se protéger du froid. Le sol et une partie des murs sont en bois, avec des tapis partout (plafond compris) pour isoler (et décorer).
Le repas est constitué de riz, de légumes (proche d’un bouillon à couscous) et de poulet. Le tout cuit pendant 4 heures dans un trou creusé dans le sable et recouvert d’un feu de bois. C’est excellent, nous nous resservirons plusieurs fois (j’ai arrêté de compter). Puis retour dans la Fire Tent (qui tient son nom d’un grand foyer en métal et en verre au centre) où la soirée se poursuivra au son d’un instrument local (Luth bédouin, sorte de guitare à 11 cordes), thé, cigarettes et chicha (pour les bédouins). Dans la pièce les conversations se déroulent en arabe, français, anglais. Il y a là des iraniens, des uruguayens, des polonais et des français (nous) et bien sûr des bédouins. Petite Demoiselle finit par s’endormir et après un regard au superbe ciel étoilé (mais trop froid dehors pour trainer) nous regagnons notre tente.
Entassé sous trois couches de couvertures épaisses, en pyjama et chaussettes chacun de nous trois s’endort dans son lit confortable. Le froid est supportable, même si lorsqu’au milieu de la nuit Petite Demoiselle ouvre la porte pour faire un petit pipi dans le sable (toilettes trop loin et tout est noir) l’air frais confirme les basses températures (proche de zéro peut-être en-dessous). Mister J. dormira moins bien, seul dans sa tente, il a presque aussi froid que chez Wafaa.
Jour 7 – Aqaba
La lumière du matin, le gel blanc sur le sable rouge et un bon petit-déjeuner aux rayons du soleil levant nous réchauffent le cœur et le corps. Un petit rappel pour Yassin qui a raté le réveil et nous voilà reparti pour le village. Nous réglons le séjour et Mister J. prend le volant pour nous mener à Aqaba.
Sur la route, en lieu et place des habituels contrôles où le policier nous demande d’où nous sommes, où nous allons et nous souhaite une belle journée et la bienvenue dans le pays, Mister J. tombe sur deux flics qui sont là pour engranger des JOD sur le dos des touristes. À savoir un contrôle de vitesse avec dépassement de la limite autorisée (95 pour 80). Impossible de vérifier ou de contester puisque les panneaux de limitation sont rares et que, comme mentionné précédemment, il est possible de passer de 110 à 40 sans vraie raison. L’amende s’élève à 20 JOD (environ 30 euros). Ce qui énerve c’est de s’apercevoir pendant le contrôle qu’ils n’arrêtent que les voitures de locations (plaques d’immatriculation différentes) conduites par des touristes et surtout qu’à aucun moment l’un des deux ne va vérifier le radar. C’est juste à la tête du client avec des chiffres sortis du chapeau.
L’hôtel n’est pas tout à fait prêt quand nous arrivons, alors direction la plage sud (South Beach) où quelques courageux se baignent. L’eau est transparente, belle et tentante. La présence de nombreux poissons multicolores attire. Le vent sur la plage est décourageant. Pique-nique au soleil, avec les lunch-box encore fournie la veille par le Petra Quattro Hotel.
À l’heure prévue nous retrouvons nos chambres, une longue douche chaude et un changement de fringues (oui, parce que 24h dans le désert sans se laver cela commence à se sentir). Promenade dans le souk, visite de la forteresse d’Aqaba, café sur la plage, achat de souvenirs (Petite Demoiselle déchire en marchandage avec ses yeux de biche bordés de larmes) et sous mon impulsion nous trouvons un restaurant italien pour terminer le séjour. Les lasagnes sont délicieuses, le calamar de Madame aussi et Mister J. se fait un hamburger en buns (croisement entre une calzone et un burger) avec du bacon de bœuf.
Un bar à chicha pour Mister J. et Madame, Petite Demoiselle tourne au thé (enfin deux gorgées) et j’opte pour un latte. Retour sur le séjour, les meilleurs moments, les impressions.
Jour 8 – Road-Trip et le retour
La nuit est moyenne, l’hôtel est bruyant (bruit de tuyaux dans les murs, de clim’ et autres moteurs), le matelas du grand lit deux places franchement moyen (j’ai failli tomber parce qu’il penche), celui de Petite Demoiselle semble à son goût. Heureusement il fait chaud dans la chambre (dans la ville aussi, nous constatons que nous sommes plus au sud et en bord de mer). Pas de douche le matin parce que pas d’eau chaude … Décidément, c’est une malédiction. En résumé un hôtel pas cher qui vaut son prix …
Petit-déjeuner face à la plage, soleil et calme.
Madame prend la longue route retour jusqu’à Amman. Les paysages sont encore et toujours merveilleux. Nous remontons par la route du désert, pause dans un village à midi pour un plateau commun de poulet/riz/cacahuètes/petits pois/poivrons. Un régal. Le propriétaire nous offre les boissons (pourtant au prix du plat c’était déjà un cadeau) et pour le remercier, en partant, j’emboutis sa voiture … Heureusement plus de peur que de mal, ce sont les deux pare-chocs et nous nous quittons sur une poignée de main.
Retour de la voiture au loueur, tout est ok (comme quoi les trucs inconnus et bien plus abordables que Hertz et compagnie ne sont pas tous des pièges), passage des divers contrôles aéroport, dépense des derniers Dinars Jordaniens avec un café, un beignet, un sac (devinez qui a pris quoi) et c’est l’arrivée à Beyrouth. Comme dira Petite Demoiselle : c’est bien de rentrer au pays !
Conclusion
La conclusion, partagée par tous les quatre, est que ce fut un fabuleux séjour. Cela restera un voyage marquant, de ceux qui restent en mémoire. Les paysages, les gens, les ambiances, les silences.
La Jordanie a la réputation d’être un pays cher, c’est effectivement une possibilité. Les hôtels de luxe, les voitures haut de gamme, les restaurants huppés, les plages privés, les activités (Montgolfière, canyoning, petit biplaces, bateaux privé) : tout est à votre disposition pour claquer un max de thunes et certainement ne rencontrer personne.
Il est aussi possible de trouver des hébergements peu chers, de prendre le temps de discuter avec une vendeuse à Petra pour parler de sa famille et de sa vie, de s’arrêter manger sur les bords de route et d’échanger avec des inconnus.
Nous avons vu des personnes traverser le pays à vélo, et je suppose qu’à la belle saison, les plans sac-à-dos sont encore plus fréquents.