Et les oiseaux-lyre sont en pleurs ? Pas du tout, la météo était excellente, j’avais juste besoin d’un autre titre parodique pour cet article sur un week-end dans la plaine de la Bekaa et la randonnée autour du lac Qaraoun.
Plus d’un mois depuis l’article précédent et surtout beaucoup plus que cela pour un article à la découverte du pays.
Il faut dire que la rentrée, avec le soleil et la chaleur, c’est surtout la saison des plages et des longues journées de baignade dans une mer à une température idéale pour Monsieur (au-delà de 27 degrés). Pour jouer les pères fièrs de sa progéniture je pourrais signaler que Petite Demoiselle a fait son premier saut de plus de 4 mètres d’un amas de rochers surplombant une eau turquoise avec une belle profondeur. Il lui en a fallu du courage, motivée par tous les adultes ou grands adolescents qui se jetaient en une boucle infinie en enchaînant les figures les plus improbables, pour escalader, s’avancer au bord du vide, garder les yeux ouverts, prendre de l’élan et se lancer dans le vide. Surtout que Madame, comme Monsieur, ne sont pas fans de l’exercice et attendaient tranquillement dans l’eau à la réception, sans aucun intention de monter pour montrer l’exemple.
On dort où ?
Revenons à nos moutons…
Les beaux jours sont toujours présents, le soleil brille dès le matin et la température assommante est devenue douce chaleur agréable. Terminées les journées à la mer, l’eau est beaucoup trop froide avec ses 22 ou 23 degrés. Bienvenu au temps des randonnées. Et pour démarrer la saison quoi de mieux qu’un lieu encore inconnu ?
Le choix de Monsieur, organisateur de cette sortie, se porte sur la plaine de la Bekaa et la grosse tâche bleue sur la carte attire son œil et attise sa curiosité. Le lac de Qaraoun ? Mais qu’est-ce donc ? Un petit tour sur la page Wikipédia la décision est validée.
Pour le logement sus à l’hôtel, souvent surfait, onéreux et pas toujours agréable. Surtout que suite à un été où les tarifs du tourisme (hôtels, restaurants et autres resorts) se sont affichés en dollars US, l’envolée des prix amène facilement à 120 dol’ l’accès à un établissement qui a connu son heure de gloire quelques décennies en arrière. Il reste les guesthouse, pour lesquelles Monsieur ne trouve rien de probant au cours de ces recherches, le célèbre site de logement entre particuliers (enfin c’était le cas au départ avant que le capitalisme néo-libéral avale et digère cette idée comme les autres et que désormais des quartiers entiers soient constitués d’appartements vides, sans âmes, attendant le touriste qui bénéficiera d’un service inférieur à celui d’un hôtel pour un prix plus élevé, tout en étant certain d’avoir fait une affaire) et les trucs plus originaux. Cette dernière catégorie regroupe tout ce qui va de la chambre chez l’habitant à la cabane dans les bois (en excluant la tente sur un terrain de camping, Monsieur reste intraitable sur le sujet !).
Finalement une option apparait par hasard : un site qui propose des bungalows. Attention des bungalows de luxe, qui n’ont de bungalows que le nom. Ce sont de petits bâtiments en dur, au sol carrelé, avec la clim’, l’électricité, l’eau chaude, des toilettes, un grand lit. Prise de contact, accord sur le prix (50 usd par nuit plus 5 usd par personne pour un petit-déjeuner), transfert des 130 dollars par OMT puisque visiblement la confiance s’arrête là (étrange pour le Liban).
Premier contact
Pas de linguiste, pas de temporalité parallèle ici (oui c’est une référence cinématographique, encore !), simplement une arrivée nocturne. La saison avance, la nuit tombe de plus en plus proche de 18:00. Les derniers kilomètres, serpentant pour descendre le mont Liban côté est, nous montrent un village (une ville ?) illuminé. Tâche de lumière au milieu de l’obscurité, l’étonnement est suivi par une compréhension (la lumière se fait en nous ?) : le lac de Qaraoun est un lac artificiel et son barrage sert également de station hydro-électrique. Il semble logique que la ville au loin soit Qaraoun et que la fourniture d’électricité fasse partie d’un accord quelconque.
L’arrivée à Saghbine Bungalows est plus chaotique. Difficulté à trouver l’accueil (que nous ne trouverons pas, le gardien nous croise errant entre les bâtiments), logement acceptable mais pas à la hauteur du prix : Petite Demoiselle n’a pas de lit et dort sur un canapé avec une couverture en laine synthétique comme tout linge de lit (couverture qui visiblement passe du coffre sous le canapé au canapé et retour au coffre sans passer par la laverie). Avec un second canapé nous bricolons un espace acceptable et Petite Demoiselle trouve cela très drôle, ouf ! (Oui, j’ai enchaîné les répétitions du mot canapé, pas envie de chercher un synonyme qui ne fasse pas trop parachuté)
La douche est un espace dans les toilettes, des placards tous vides (pas un seul verre) et bien sûr l’inévitable prise électrique qui pendouille au bout de ses deux fils, le tout à côté du lavabo pour augmenter le fun …
Le petit déj’ du samedi matin est très bon : œufs, zaatar, labneh. C’est malheureusement là encore très en dessous de ce que nous serions en droit d’attendre vu le prix payé. Par exemple une unique petite tasse de thé (en sachet) par personne, et lorsque nous demandons un surplus (café sachet de base) il nous est facturé au prix fort ! L’idée de laisser une simple bouilloire d’eau chaude ne fait pas partie du concept.
Le lac de Qaraoun
Un petit saut en voiture au village le plus proche : Saghbine. Visiblement le côté ouest du lac est chrétien. Nous trouvons une petite épicerie pour faire le plein d’eau, de cookies (notre fil rouge sur toutes nos randonnées) et un petit plaisir coupable (des barres chocolatées). L’environnement du bungalows étant constitué de dizaines de pommiers et de quelques grenadiers nous sommes chargés en fruits. Un passage rapide dans une boulangerie pour 3 manouchés et direction le lac.
Madame descend une petite route qui semble zigzaguer plus ou moins vers notre destination. Rapidement cela sent quand même la voie sans issue bordée de quelques maisons isolées. Monsieur suggère un demi-tour pour retourner vers la ville, Madame se range à son avis et donc décide de négocier un stationnement ici. Un mec sympa qui surveille son alambic (fait rassurant : il n’a pas de banjo) nous accueille et entre les trois langues usuelles et usitées ici nous comprenons qu’il ne voit aucun inconvénient à ce que nous laissions notre carrosse devant chez lui.
Nous avançons à pied sur la voie qui se confirme sans issue 20 mètres plus loin après un dernier lacet. Nous prenons alors d’assaut les vergers en terrasse, saluons joyeusement un trio de Syrien en train de ramasser des fruits ou de réparer un arrosage et nous demandons si les rives du lac sont praticables ou bien si la dernière terrasse surplombe le vide.
Déjà le projet de Monsieur de faire le tour du lac (24 km) se dissout comme un poisson dans une eau trop acide (oui c’est une forme de bande-annonce pour la suite, ou un rappel pour celles et ceux d’entre-vous qui ont cliqué sur le lien Wikipédia *et* qui ont lu la page). Pas de vrais sentiers, des rochers chaotiquement disposés et une végétation rase mais particulièrement piquantes ont raison de l’idée première. Finalement ce sera une longue marche jusqu’au barrage et le retour.
Les derniers arbres fruitiers laissent bien la place à une berge praticable, difficilement mais praticable. Le niveau est très bas, fin de la saison sèche oblige, et nous sommes sur la rive de la rivière qui alimente le lac. La température est douce, le soleil joue à cache-cache avec les nuage, un temps idéal pour marcher. Toute velléité de baignade qu’un inconscient pourrait avoir est mise à mal en approchant de l’eau. L’odeur d’abord, qui rappelle une usine chimique, puis la mousse et enfin les jolies trainées de bleu, de vert et de blanc jaunâtre qui s’alignent pour marquer les baisses de niveau de l’eau rythmées par l’évaporation et les lâchers de barrage.
Bergers sur berges
Nous croisons alors notre premier troupeau de chèvres. Guidé par un homme portant carabine (certainement pour tirer un canard qui quitterait le refuge du lac), accompagné par son fils qui du haut de ses 10 ans parle un anglais très honorable et sert de traducteur. 350 chèvres et 11 chiens forment la jolie cohorte autour d’eux.
Nous croiserons d’autres chevriers tout au long de la journée, échangeant signes de la main, sourires et parfois quelques mots d’arabe.
La fin de matinée nous offre un dilemme. Prendre le chemin qui monte raide l’éminence en face de nous et qui semble, mais pas de certitude, être la dernière avant le barrage ou bien contourner par la rive. La seconde solution l’emporte. Nous sommes convaincus par la zone que nous traversons : une berge lisse, couverte d’une sorte de sable rendant la marche agréable et rapide.
Premier contournement et grande déception : la suite de la berge n’est que tours et détours encombrés de rochers sur une pente difficile et où les rares zones libres sont couvertes de ces buissons qui piquent à travers les pantalons (oui je sais, nous nous piquons sur les épines, les buissons n’ont pas d’action délibérée). Le rythme s’effondre et nous sommes soulagés d’atteindre la fin de la zone.
Le dernier kilomètre suit un doux chemin bordé d’arbres, les marques blanches et violettes nous laissent penser qu’un des sentiers LMT passe par ici.
C’est l’arrivée sur le barrage, la belle vue sur le lac et surtout l’heure du pique-nique !
Le retour passera par la grimpette sur la colline, un passage sur la route pour éviter une partie moins sympa du bord du lac et, pour garder l’esprit de nos sorties familiales, nous terminerons en coupant à travers un verger et des buissons touffus. 16 km de marche, une bonne reprise pour la saison à venir.
Profitant des deux heures de lumière nous décidons de reprendre la voiture et d’aller en repérage sur l’autre rive. La propriétaire des bungalows nous a recommandé un snack. Le restaurant de la veille à Saghbine était bon mais seuls dans 600 mètres carrés de salle cela faisait un peu trop film d’horreur au goût de Petite Demoiselle. Qui plus est, elle a envie d’un burger plus que de Soujouk. La route passe par un pont que l’application de cartographie signale comme « temporairement fermé ». La possibilité de se faire livrer par le snack et la distance pour contourner tout le lac par le sud font naitre un doute sur la pertinence de l’info. Le test s’avère concluant et nous voilà sur la rive Est. Le fast-food qui ressemble plus à un diner de qualité qu’à une succursale du clown tueur propose une carte variée d’où l’alcool est totalement absent.
Eindak Almaza ?
Le reste de vin ramené du restaurant hier soir ne doit pas être meilleur après une nuit dans une bouteille mal fermée par une serviette en papier roulée en forme plus ou mois bouchonnale (oui, je sais !) et il était déjà franchement pas terrible !
Madame veut de la bière, Monsieur l’arrête dans une épicerie plus grande que les autres à la sortie de Qaraoun. Je vous laisse imaginer la scène (qui nous est apparue après coup) : une femme accompagnée d’une petite fille entre dans le magasin et demande « Eindak Almaza ? » (Avez-vous de l’Almaza,? La marque de bière la plus répandue au Liban) et au regard accompagnant le « La, ma fi Almaza » le déclic se fait subitement : la rive Est est franchement, voire complétement, Musulman et plutôt à tendance traditionaliste. Fou rire de Madame en remontant en voiture et direction Saghbine pour faire nos emplettes.
Les plus belles caves du pays
Sur le chemin du retour Monsieur souhaite s’arrêter au domaine Kefraya. Le vin est bon, sans non plus atteindre des sommets (enfin chacun ses goûts) et la vraie raison de la visite ce sont les caves. Elles sont situées dans des grottes naturelles.
Deux petits soucis apparaissent alors… Le premier c’est que la prochaine visite est à 14:15, ce qui nous laisse trois bonnes heures d’attente, un restaurant sur place visiblement en dehors de notre budget et une arrivée sur Beyrouth en fin de journée (ce qui ne cale pas avec les devoirs de Petite Demoiselle). Le second que Monsieur ne découvrira que le lundi en faisant quelques recherches pour cet article c’est que les 2 km de caves naturelles sont situés au domaine Ksara à quelques kilomètres de là .
Nous optons pour une mini-rando au milieu des vignes et en profitons pour aller voir les hypogées (les grottes funéraires de l’époque romaine) situées sur le domaine.
Un nouveau très bon week-end en famille, des heures de marches, des paysages, des fou-rires, des bêtises en série. L’aventure continue …