Toute toute première fois

Au-delà du plaisir de vous pourrir la journée en instillant dans votre esprit cette petite ritournelle des années 80, c’était notre première fois ! Et comme souvent elle fut un peu maladroite, abrégée et laissera un souvenir marquant.

Pour les lectrices (lecteurs) à l’esprit mal placé cet article ne sera pas l’occasion de vous raconter notre vie intime, le sujet du jour bien entendu la découverte de la montagne Libanaise (oui, j’insiste toujours sur les majuscules injustifiées).

Samedi matin (et laissez le p’tit Prince et sa famille où ils sont) nous sautons dans un taxi matinal (il est à peine 10 heures alors que c’est le premier jour des vacances !) direction Douma. Notre première idée pour profiter des vacances afin de parfaire notre connaissance de la région et du pays était de faire deux ou trois journées dans une des stations de ski entourant Beyrouth. La neige est présente, les tarifs sont extrêmement abordables (toujours en lien avec la dévaluation, sinon ce serait carrément impossible pour nous) et nos affaires d’hivers/de neige sont bien sûr … ah ben non, elles sont en France. Oui, oui le pays où nous rentrons pour les deux mois d’été. Je sais, ne dites rien, c’est toujours un plaisir de vous faire rire. Quelques recherches sur Internet, des échanges avec des amis Libanais ou des expats de longue date et notre choix se porte sur Douma, à une heure trente de Beyrouth, à l’est de Batroun (oui, les plages de sable). Un petit mot à un gîte (« Les chambres sont pour deux, pas de lit enfant et pas de place samedi soir, vous êtes les bienvenus quand même. ») et au Douma Hotel (« Mais oui, on va s’arranger pour le lit enfant, pas de soucis. »).

Samedi nous faisons la connaissance du village dont Wikipedia vous dresse un portrait rapide. Malheureusement le confinement, visiblement plus respecté ici qu’à Beyrouth, ne nous permet pas de découvrir le souk. Tout est fermé ou presque, et le fait qu’environ une maison sur deux soit vide (maison de campagne, départ à l’étranger, logements de vacances vacants) donne un aspect étrange à la visite. Les quelques personnes croisées sont accueillantes, souriantes. Il s’avère que le « Bonjour » est plus fréquent que le « Marhaba » ou même le « Hi/Hello », y compris entre locaux. La région est fortement Chrétienne, la langue française assez présente. Nous repérons deux randonnées sur un panneau touristique, juste à côté du tombeau de Castor (je vous laisse chercher qui était ce célèbre inconnu, parce que je ne trouve pas). Les panneaux de randonnées, avec marquage et explications, sont rares (en tout cas nous n’en avions pas encore vu). La boucle se fait dans les deux sens, relativement courte (7 heures), avec un sens moins ardu que l’autre. Ce sera notre objectif demain.

Le soir au restaurant de l’hôtel la magie des enfants fait que Petite Demoiselle aborde un camarade, du coup nous engageons la conversation avec ses parents (un deuxième bambin arrive ensuite). Les enfants passent la soirée à courir dans le restaurant, les couloirs de l’hôtel et font des allers-retours extérieur/intérieur. Je vous ai déjà dit qu’au Liban les enfants sont rois ? Nous profitons d’une soirée d’échange, M-A et P sont ici depuis presque quatre ans et nous recommandent quelques lieux à visiter à l’occasion si nous aimons les randonnées.

Dimanche matin, tôt, petit-déjeuner : surprise, le seul choix est entre le café et le thé (d’ailleurs il faudra commander un chocolat en dehors du tarif compris pour Petite Demoiselle), le reste est typiquement Libanais. Pizza au thym (Mannouché b’zaatar), œufs durs, tomates, courgette, fromage salé, pain Libanais et une tranche de gâteau (je suppose que c’est par pitié pour nous) et de la confiture pour accompagné une sorte de fromage blanc épais (entre le Laban et le Labneh). Un saut au supermarché pour acheter du pain de mie, du jambon (de dinde, même dans le secteur Chrétien le porc n’est pas courant), des chips, des bananes et de l’eau. C’est parti pour la montagne.

Tiens, cela fait une heure que nous marchons, et c’est uniquement sur une pente à 20 voire 25%. Le paysage est superbe. Le temps est agréable, nous sommes en tee-shirt tous les trois et regrettons de ne pas être partis en shorts.

Tiens cela fait deux heures que nous marchons, nous avons fait 3 km et la pente est toujours la même !

Voilà deux heures trente que nos yeux s’émerveillent de voir aussi loin, que nos oreilles profitent du silence de la nature, que nous poumons se gorgent d’air pur et toujours cette même pente. Mais cela s’arrête quand en fait ?

Arf, un peu de plat, une plantation d’arbres fruitiers au milieu des sommets dans une mini-plaine, une route, des jeunes avec qui nous validons le repérage et qui nous encouragent à goûter à la source locale (je n’ai jamais bu d’eau aussi bonne). Ils ont visiblement du mal à comprendre que nous arrivions par la montagne alors qu’une route est disponible pour prendre le taxi ou sa voiture.

Quelques centaines de mètre et … deuxième sommet, cela repart dans les mêmes conditions, sauf que maintenant des plaques de neige glacée font leur apparition (les fesses de Petite Demoiselle s’en souviennent encore). Nous croisons une famille de randonneurs, ils nous confirment habiter la maison au bout du chemin, nous proposent de passer chez eux en cas de besoin et s’étonnent de l’intérêt de marcher sur une si longue distance.

Trois heures et demi de montée non stop, Petite Demoiselle a assuré sans jamais se plaindre. Les larmes sont aux bords des yeux, il est temps de s’arrêter déjeuner, le pique-nique c’est toujours bon pour le moral. Nous dégustons les sandwichs pile sur la crête, à pas loin de 1800 m, plus de 700 m au-dessus de notre point de départ. Un calcul rapide confirme que nous sommes très en retard sur l’horaire. Pourtant le rythme a été régulier, une seule pause de 5 minutes pour boire et souffler dans la matinée. Nous avons l’habitude de marcher et Petit Demoiselle a déjà affronté les randonnées du Mont-Dore, en plein soleil, sans ralentir. Visiblement le panneau d’affichage est très optimiste sur les durées. Deux inquiétudes : premièrement la nuit tombe tôt (février, montagne, Liban), deuxièmement le couvre-feu de 18:00 (impossible de trouver une voiture ou une aide après cette heure là en cas de problème).

La partie à venir est un plat qui fait le tour du sommet, cela s’annonce bien pour rattraper un peu de temps et pousser la marche. Ah ben non, en fait c’est un micro sentier, sur un pierrier, qui passe sont temps à monter et descendre pour éviter les plus grosses chutes de rochers. Nous croisons un panneau qui nous indique la distance et la durée (théorique) depuis notre départ, vers notre prochain point et surtout vers l’arrivée. Le calcul se confirme : nous sommes à 45 minutes de Baatar SinkHole (une cascade), qui est censé se trouver à 4 heures de Douma. Nous sommes donc à 03:15 du départ, avec la pause repas cela fait 03:45. Départ à 10:00 (un peu avant pour être honnête) il devrait être 13:45, il est 14:45. Et surtout Petite Demoiselle ne pourra pas tenir le rythme que Monsieur tente d’imposer. Les pieds ne se lèvent plus et la chute inévitable se produit à peine quelques minutes plus tard.

Petit paragraphe pour les trois points de vue. Monsieur : « Stop, il faut s’arrêter, elle a aurait pu tomber dans le pierrier et dévaler la pente sur plusieurs dizaines voire centaines de mètres, je l’imagine se cognant sur tous les rochers. ». Madame « Bon il faut s’arrêter, mais rien de grave, elle a eu le réflexe de tomber sur le sentier et de ne pas rouler, et elle peut encore tenir, pas d’inquiétude. ». Petite Demoiselle (en fin de journée, en arrivant à l’hôtel) : « Dans mes trois meilleurs moments du week-end (jeu que nous faisons en famille sur la journée et le week-end) le premier c’est le moment où je suis tombée, c’est un super souvenir ».

Encore 45 minutes de marche tranquille, sans se presser et nous arrivons à une sortie possible, une route ne passe pas loin. Dans le pire des cas c’est trois heures de marche jusqu’à l’hôtel, sur un terrain facile. Quelques voitures passent mais toutes dans le mauvais sens, sauf une qui ne s’arrête pas. Le moral est bon, le soleil tape toujours fort. Encore un kilomètre à peine et une superbe Mercedes stoppe à notre hauteur. Deux jeunes (oui 25 ans c’est jeune pour nous, et toc !) charmant, cheveux longs, super look, souriants et serviables au possible nous prennent à leur bord, et après 15 minutes de trajet, entre-coupées par les inévitables échanges sur nos vies respectives (avec toujours cet étonnement devant des gens qui viennent s’installer au Liban quand tout le monde cherche à en partir, et en plus marche dans la montagne alors que la route est tout à fait praticable) nous voici de retour à Douma. Il faudra refaire la randonnée aux beaux jours, en partant plus tôt, avec plus de pause et en prévoyant plutôt 8 ou 9 heures.

Soirée plus courte que la veille, la famille d’hier soir est partie et nous sommes complètement HS.

Lundi matin, la pluie est annoncée pour la journée sur Douma, finalement elle ne viendra pas et la météo nous permet de repartir directement en randonnée pour aller découvrir les oliviers millénaires du village voisin très proche (une petite heure de marche). La randonnée se fera sans difficulté (l’estimation temps venait de mon GPS et pas d’un panneau touristique). Le village de Bchaaleh est surprenant au départ. Nous arrivons dans un brouillard complet, seule une immense statue religieuse sort de la nappe. Le panneau touristique indique quelques randonnées et liste les animaux présents dans la régions : rapaces, cochons sauvages, écureuils et Hyènes. Oui, oui vous avez bien lu, des hyènes ! Alors j’adore ces animaux, là n’est pas la question, et j’adore les loups que l’on peut également trouver dans la région. C’est juste surprenant d’imaginer que pendant les randonnées dans les montagnes environnantes il est possible de les croiser.

Nous trouvons les oliviers, qui sont magnifiques et portent les traces de leur âge. La légende dit que la colombe qui est partie de l’arche de Noé est venue ramasser la branche d’olivier sur ces arbres. Je ne ferai aucun commentaire sur la crédibilité du déluge (sans compte que noyer toutes les espèces animales et végétales à cause d’un désaccord avec l’être humain c’est un peu rude, non ??). En partant du postulat que le déluge a existé, que l’arche de Noé s’est échouée entre l’est de la Turquie (vision catholique) et la frontière Syrio-Turque (vision musulmane) pourquoi la colombe ne se serait pas arrêtée sur un des innombrables champs d’olivier sur son trajet plutôt que de se taper plusieurs centaines de kilomètres ?

Discussion avec le patron du supermarché (pour le pique-nique du jour) et un habitant de Douma qui passe en voiture et nous reconnait. Les deux parlent un très bons Français, nous parlent de leur villages, demandent quand nous repartons en France, s’étonnent que nous ne soyons pas des touristes de passage et le chauffeur nous propose trois fois de nous raccompagner en voiture pour nous éviter de marcher jusqu’à Douma.

Retour à l’hôtel, nous récupérons les bagages, le taxi arrive et c’est le retour vers Beyrouth, le soleil se reflète sur la mer, le bruit de klaxons nous entoure, nous sommes chez nous.

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